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Ma stratégie pour faire bouger l’Europe (et la France) du numérique, par Benoît Thieulin, président du CNNum
A quelques heures de la remise du rapport Ambition numérique du CNNum à Manuel Valls et de l’annonce de la stratégie numérique du gouvernement, L’Usine Digitale a rencontré Benoît Thieulin, président du Conseil National du Numérique.
Comme l’instance qu’il préside et qui a récemment montré son indépendance vis-à-vis de l’Etat, il affirme des volontés fermes et précises pour planter définitivement un décor numérique solide en France.
Emmanuelle Delsol
Benoît Thieulin et le Premier ministre Manuel Valls se retrouvent jeudi 18 juin, huit mois après le lancement commun de la concertation nationale sur le numérique. Au-delà des recommandations qui sortiront du rapport pour aller dans la future loi numérique ou dans d’autres lois comme celle sur la santé, le président du CNNum en appelle à des actions rapides, mais débattues, au niveau français et surtout européen. Il dévoile une tactique qui consiste à viser des décisions européennes en s’appuyant sur celles des Etats membres, la France en tête en l’occurrence.
Des ambitions européennes et des leviers français
"On nous dit, à la Commission, que beaucoup de sujets seront dans une directive : paquet télécoms, données personnelles, etc, explique Benoît Thieulin. Mais il faut 5 ans pour une directive. Seulement, un an et demi pour une loi française." Cinq ans, une éternité à l’échelle du numérique.
Sur certains sujets, pour lui, les états doivent agir en attendant que l’Europe ne s’en saisisse. "De plus, quand plusieurs pays votent un même sujet chez eux, cela lui donne plus de force au Conseil européen. Les Allemands le font souvent."
L’urgence d’écouter les praticiens
Mais Benoît Thieulin voit d’autres obstacles à une avancée européenne que le simple timing. Il évoque la grande asymétrie d’expertise qui existe dans les négociations, en particulier entre européens et américains. "La moitié des Américains viennent de chez Google et y retourneront dans deux ans." Pour le président du CNNum, le problème ne vient pas de l’absence de pensée ou de recherche sur le numérique en Europe, loin de là, mais de ce que personne n’organise la synthèse de ces réflexions.
"Et au final, personne ne définit une stratégie globale. Mon appel - puisqu’on est le 18 juin - c’est qu’il est urgent de réunir ceux qui réfléchissent, les praticiens, et de définir une stratégie." Il pointe en particulier l’erreur qui consiste à tenter de concurrencer frontalement les géants américains plutôt que de mettre en avant les forces française ou européennes ou d’anticiper de futurs innovations.
"On est super bon en cloud avec notre champion émergent, OVH, note-t-il. Comment a-t-on pu prendre l’incroyable décision de lui créer des concurrents avec des subventions publiques ? C’est dramatique !"
Un innovation act et une JEI européens
Au sortir de la concertation nationale, le président du CNNum a deux revendications vis-à-vis de l’Europe. Il réclame d’abord un innovation act ("Parce que le small business act, ça fait trente ans qu’on en parle, c’est trop tard !") qui aurait deux composantes. D’un côté, l’outil de coordination pour prendre les bonnes décisions stratégiques. Et de l’autre, des mécanismes de soutien à l’innovation sous la forme d’un statut de JEI européenne, par exemple.
"Pour unifier les bases juridiques et fiscales, de façon limitée dans le temps, sur 3 ans par exemple, précise-t-il, et ainsi cibler le soutien public et privé." Mais à une condition : se doter d’une vision élargie de l’innovation ouverte, au-delà de la technologie, aux usages, au design, à l’interface, aux modèles économiques, comme préconisé par le rapport conjoint de la Fing et de la BPI.
Uniquement les grands principes dans la loi numerique
"Nos recommandations visent deux choses très différentes, explique-t-il. Le droit national et européen, bien sûr, mais aussi des décisions stratégiques en amont et toutes sortes de décisions qui ne sont pas d’ordre législatif. Et beaucoup de ces recommandations devraient faire l’objet d’une grande loi Lemaire dans laquelle on mettrait les grands principes".
Benoît THieulin veut rappeler haut et fort que ces grands principes sont économico-politiques et non technologiques, comme on le pense souvent. "La portabilité des données, le droit des usagers par rapport à leur données, les biens communs, la neutralité du net, que je préfère appeler égalité dans le réseau... Tout cela concerne directement la vie des gens !"
Neutralité du Net et loyauté des plates-formes
"Nous demandons donc que la neutralité du net (en gros l’égalité dans les couches basses du réseau) et la loyauté des plates-formes (égalité dans les couches hautes) soient intégrées dans les droits français et européen", précise le président du CNNum.
A propos de plates-formes, il précise qu’il faut à la fois du droit pour les obliger à être loyales, mais aussi une agence de notation et d’évaluation pour objectiver le débat. Constituée de dizaines ou de centaines d’ingénieurs, cette dernière aura la capacité de faire de la rétro-ingénierie d’algorithmes et d’API, de comprendre le positionnement dans un magasin d’apps, ou la différence entre la place d’un site dans le search payant et dans le search naturel, etc. De quoi démontrer techniquement que certaines plates-formes abusent de leur position dominante, ou pas.
"Nous faisons aussi des propositions sur la fiscalité de ces entreprises, ajoute-t-il. J’ai récemment rencontré Vinton Cerf (Chef évangéliste chez Google de l’Internet qu’il a co-inventé, ndlr). Je lui ai dit que certes, Google et les autres entreprises de la Silicon Valley dopaient une grande partie de la valeur de l’économie contributive européenne, mais qu’en même temps, elles en sapaient les sources. L’Europe est le plus gros marché du numérique parce que les Européens sont bien formés, en bonne santé, et ont du temps libre. Et ce, grâce à l’impôt !"
"Il faut casser cette idée qu’il y aurait un déterminisme technologique et que l’innovation nous tombe du ciel, tient à ajouter Benoît Thieulin. C’est faux. C’est à nous de décider. Le numérique donne du pouvoir aux gens, mais il faut leur enseigner comment s’en servir. Car il y a plusieurs avenirs possibles. Le numérique peut être un levier de dérégulation totale ou l’opposé. Mais, en tous cas, ce n’est pas la Silicon Valley qui va décider."
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