Pour Thomas Kaeb, "difficile d'expliquer à un client qu'un clic vaut une signature"
Wacom est une entreprise de hardware, spécialisée dans la fabrication de tablettes graphiques et de stylets. Basée à Tokyo, elle compte actuellement 1 000 salariés. Elle vend notamment son matériel à des banques qui utilisent la signature électronique : 800 000 tablettes ou écrans Wacom sont actuellement utilisés dans le monde. 4 milliards de signatures sont ainsi numérisées chaque année, selon Thomas Kaeb, responsable comptes clefs de la division entreprise chez Wacom.
Lélia de Matharel
L'Usine Digitale - Wacom vend des écrans équipés de stylets qui permettent de signer des documents de manière numérique, y'a-t-il vraiment un besoin ?
Thomas Kaeb - Wacom est au départ une entreprise japonaise, même si nous sommes aujourd'hui présents en Europe, aux Etats-Unis, au Moyen-Orient… Lorsque la société a été créée en 1983, le monde commençait à basculer dans le numérique : les premiers ordinateurs étaient sur le marché. Mais au Japon, il était impossible d'écrire directement sur un clavier les kanji, les caractères nippons. Difficile aussi de les composer avec une souris, pas assez précise. Nous avons donc développé un stylet, qui permettait d'écrire comme sur du papier et de voir les caractères reproduits numériquement à l'écran.
Depuis les années 2000, le tactile est en plein boom. Mais dans certains secteurs, notamment artistiques, le stylo numérique a de nombreux avantages. Nous vendons nos tablettes graphiques à de nombreux pros qui ont besoin d'un dessin précis : les designers auto, le monde de l'animation, de la bande dessinée et du manga…
En 2007, nous avons étendu notre activité à la signature électronique, car nous avons reçu une demande en ce sens de la part de la Sparkasse, la Caisse d'Epargne allemande. Nous avons donc développé notre première tablette destinée à la signature électronique, la STU - 500. Le client de la banque signe de façon manuscrite sur la tablette. Sa signature est reproduite en version numérique et sécurisée via un logiciel dédié, développé par des partenaires, venus de l'univers de la programmation informatique. Ce processus est complexe, il utilise des clefs de sécurité. La signature a une valeur juridique.
La signature électronique est aujourd'hui peu répandue dans les banques, pourquoi ?
La signature électronique est un système de cryptage complexe, qui génère un mot de passe. Pour l'activer, le client n'est pas obligé de signer sur une tablette : il peut aussi cliquer sur un bouton qui enclenche la procédure ou encore entrer un code d'accès. Mais c'est difficile de lui expliquer qu'il a apposé sa signature numérique alors qu'il a simplement cliqué dans une case ou tapé une clef de sécurité. Cela ne lui donne pas confiance.
Pour que la signature électronique soit adoptée à grande échelle, il fallait fluidifier l'expérience client : en lui permettant de signer tout simplement avec un stylo. Les tablettes graphiques lui permettent de comprendre facilement ce qui se passe. Cette technologie rend ce processus plus naturel pour la clientèle et donc de faciliter sa démocratisation.
Ca n'a pas l'air de prendre, en tout cas en France...
L'Italie et l'Espagne sont deux pionniers dans ce domaine : Wacom a vendu en 2007 à la Caisse d'Epargne espagnole 29 000 tablettes de signature électronique (des STU 500, mais aussi des modèles plus récents, comme la STU 530). C'est le plus vaste déploiement en volume de toute l'Europe. Ce système leur permet d'économiser 3,4 millions d'euros par an, d'après les chiffres qu'ils nous ont communiqués.
Mais il est également adopté par d'autres secteurs : l'assurance avec l'italien Generali par exemple, mais aussi la santé avec le groupement de cliniques Capio Sanidad en Espagne, qui fait signer à ses patients des documents attestant de leur entrée à l'hôpital et leur demande de donner leur consentement pour certaines opérations sur nos tablettes. Le secteur public se convertit aussi à cette technologie : l'équivalent espagnol de Pôle emploi (la Agencia estatal de administración tributaria) fait signer aux chômeurs leurs feuilles de présence avec des outils Wacom.
La France est, en retard. Nous avons signé des contrats avec les Notaires de France et France Telecom en 2008 et 2009. Mais dans le secteur bancaire, nous n'avons signé que fin 2014 avec la Caisse d'Epargne. Pour réaliser leur transformation numérique, les institutions financières françaises se sont pour l'instant focalisées sur la banque en ligne et ont souvent laissé de côté la relation directe avec le client en agence. Elles commencent aujourd'hui seulement à digitaliser cette partie de leur activité.
Propos recueillis par Lélia de Matharel
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