Qui veut des données du boîtier Linky ?
Le déploiement de Linky, le compteur connecté d'ERDF, est imminent : il débute en décembre 2015.
Mais qui dit compteur, dit collecte de données... sous haute-surveillance des législateurs et régulateurs.
Et qui dit données, dit nouveaux marchés.
Quels nouveaux acteurs pourront s'en saisir, pour créer quels services ?
Eléments de réponse.
Sarah Sermondadaz
Dans quelques jours à peine, le 1er décembre 2015, le top départ du déploiement à grande échelle du boîtier Linky sera donné sur le territoire français. 3 millions de compteurs prévus pour la fin 2016, et 35 millions d'ici 2021 : “Un déploiement progressif dans plusieurs régions à la fois”, explique Christian Buchel, Chief Data Officier d’ERDF. A la clé : la fourniture d’une cascade de données à différents niveaux, et pas seulement sur la consommation électrique : données clients, données de comptage, données de marché, données relative à la qualité et à la gestion du réseau…
“Les données issues de Linky pourront servir de levier d’innovation pour les start-up”, avance Philippe Monloubou, président du directoire d’ERDF. Une création de services qui s’accompagnera certainement de création de valeur. Mais dans quelles conditions et selon quelles règles de nouveaux joueurs pourront-ils venir s’emparer de ce potentiel économique ? Etat des lieux d’une révolution smart grid à venir.
Données à deux vitesses
ERDF exposera ainsi différents niveaux de données, à des acteurs distincts : des data gratuites mais anonymisées, en open data, mais aussi des données payantes. “Ceci en toute transparence avec le consommateur, et seulement avec son accord, dans le respect de la CNIL et de la loi Lemaire”, rappelle Christian Buchel.
Pour l’opérateur d’électricité, ce statut de dépositaire de données sensibles est inédit. Il a été rendu possible par de multiples actions menées par l'entreprise en interne pour accélérer sa transformation numérique. Il s'agit d'ailleurs d'une obligation réglementaire. La commission de régulation de l’énergie (CRE) l'indique : “le distributeur est chargé de tenir ces données à jour et de les mettre à la disposition du client, du fournisseur d’électricité titulaire du point et d’autres acteurs légitimes et autorisés, tels que les agrégateurs ou les opérateurs d’effacement.” Des informations clients qui pourront notamment être échangées avec les fournisseurs d’énergie pour assurer le bon exercice de leur mission.
“Concrètement, nous stockerons sur nos serveurs 5 mois d’informations au pas journalier, dont le client reste à tout moment propriétaire. Il pourra demander son historicisation sur une durée plus longue”, précise Philippe Monloubou. Un véritable vivier pour l’innovation. Mais charge ensuite aux fournisseurs d’énergie et aux fournisseurs de solutions IoT domotiques de se mettre d’accord pour créer de nouveaux services en amont et aval des compteurs, aujourd’hui expérimentés à l’échelle de nombreux démonstrateurs (IssyGrid, NiceGrid, Lyon Smart Community…). L’objectif principal ? Réduire la consommation énergétique des bâtiments tout en optimisant le confort des usagers. Mais il se heurtera à un enjeu de taille : recueillir l’incontournable consentement du consommateur.
Opération séduction pour se faire accepter des usagers
Car c’est sur l’accord client que le bat blessera peut-être, à commencer peut-être par l’installation même des compteurs, au mieux perçus comme des boîtes noires, au pire comme des chevaux de Troie. “Le Linky, intrusif ? On ne mesure pourtant que des électrons qui passent. Il est difficile de savoir de quel appareil en particulier ils proviennent”, défend Bernard Lassus, directeur du Programme Linky d'ERDF. Pour faciliter cette acceptation, c’est l’occasion pour ERDF de proposer de nouveaux services. “L’ubérisation se fait sur la prise de rendez-vous, commente Christian Buchel. On offrira donc au client la possibilité de gérer lui-même son planning d’installation”, poursuit Bernard Lassus.
Avec Linky, ERDF pourra proposer des interventions à distance, une facturation sur la base de la consommation réelle plutôt qu’une estimation, la diversification des offres tarifaires pour les fournisseurs d’énergie, et même la possibilité de piloter les appareils électriques à distance en cas d'accord du client pour les acteurs du smart grid… mais aussi un meilleur service en cas de panne.
L’entreprise propose ainsi depuis l'été 2015 une application mobile, "ERDF à mes côtés". Celle-ci permet de connaître précisément l’état du réseau partout en France à partir d’un code postal. “Sur le réseau à haute tension, nous sommes en mesure d’identifier facilement la provenance des pannes, ce qui n’est pas le cas sur le réseau basse tension aujourd’hui”, indique François Blanc, directeur de projet à ERDF. La source de l’information locale ? Aujourd’hui, les appels téléphoniques des clients signalant un dysfonctionnement dans leur ville, mais demain, “les boîtiers connectés remonteront automatiquement l’information en cas de panne de réseau”.
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