Trois experts du numérique partagent leur vision du nouveau contrat social

Trois témoignages d'acteurs du numérique éclairent les potentielles pistes que pourraient suivre le nouveau contrat social numérique.

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Trois experts du numérique partagent leur vision du nouveau contrat social

"Les syndicats devraient s’allier avec les consommateurs"

Nicolas Colin, associé-fondateur de The Family

"Avec le numérique, la confrontation entre patrons et employés n’est plus première. Le monde est en train d’évoluer vers une configuration où ce sont les entrepreneurs alliés aux clients qui pèsent sur la relation avec les salariés. Certaines entreprises, comme Zappos [vente de chaussures et vêtements en ligne, ndlr], ont réussi à embarquer les salariés de façon à ce que les intérêts des trois parties soient alignés. Pour d’autres, il y a un conflit entre le consommateur et le salarié. Le dirigeant explique de bonne foi que si les conditions de travail sont difficiles, c’est pour mieux servir le client. Dans cet univers émergent, les syndicats sont tentés de défendre le vieux modèle du salariat, alors qu’ils n’ont pas vraiment le poids suffisant pour le faire. Ils devraient plutôt chercher à s’allier avec les consommateurs afin de les sensibiliser aux conditions de travail, aux salaires pratiqués. Le numérique offre des outils pour rapprocher salariés et clients, notamment avec les réseaux sociaux. Il n’a jamais été aussi facile d’établir un lien direct entre eux. À l’avenir, les clients seront plus sensibles à l’authenticité de l’entreprise, à l’expression authentique des salariés. C’est un levier. Il est urgent que les syndicats en prennent conscience pour changer."

"Le numérique peut mener à une dérégulation totale ou à un contrôle total"

Amandine Brugière, directrice de projet à la Fondation internet nouvelle génération (Fing)

"Nous sommes à la croisée des chemins. Même les gens en CDI ont une autre activité. La vision optimiste, ce sont les “slashers”, qui choisissent d’avoir une activité rémunératrice, une autre dans l’économie collaborative et une activité passion. Mais cette pluriactivité peut aussi être subie. Le numérique peut aller dans le sens d’une dérégulation totale ou d’un contrôle total. Le “voice picking” dans certains entrepôts, par exemple, utilise la voix d’un robot pour guider les employés. L’individu au service de la machine ! Le numérique peut conduire à cette rationalisation absolue du travail avec une totale perte de sens. Ou faire évoluer le statut du travailleur vers la microentreprise, sans que cela entraîne une précarité, en travaillant dans la confiance et l’autonomie. La Fing n’a pas de pistes pour décréter cette confiance ! L’une des idées du programme Digiwork [réflexions sur les changements apportés par le numérique dans le travail, lancées en 2013, pour EDF, Orange, La Poste, ndlr] consiste à renforcer la sphère individuelle en dotant tous les travailleurs d’une musette numérique. Elle regrouperait, sous forme de plate-forme, des outils de travail numériques, mais aussi les réseaux de contacts du travailleur, ses compétences, un ensemble d’outils administratifs. Elle sera expérimentée dès cette année."

"C’est aussi un outil de connaissance du climat dans l’entreprise"

Bruno Mettling, directeur général adjoint d’Orange, chargé des ressources humaines

"La digitalisation est une opportunité qui pourrait apporter une plus grande fluidité de l’information. Ce qui dégagera du temps pour un dialogue social portant davantage sur les vrais enjeux stratégiques de l’entreprise. Il sera possible de répondre à certaines obligations, notamment en matière d’information et de consultation, sans avoir à se réunir physiquement, en utilisant les outils comme la conférence téléphonique. Nous l’avons fait, l’an dernier, à propos d’une question de sécurité et nous avons mené une consultation à distance beaucoup plus rapidement. En revanche, pour les négociations, la présence physique reste essentielle. Certains interlocuteurs syndicaux craignent sincèrement une déshumanisation du dialogue social. À nous de trouver ensemble des outils, des modes d’organisation qui concilient digital et humain. Sans modifier le rôle premier des organisations syndicales dans la promotion des salariés, le digital multiplie leurs capacités d’expression directe. Celles-ci ne se substituent pas à la représentation syndicale organisée, mais elles la complètent. D’ailleurs, ces nouvelles formes d’expression sont un outil de connaissance du climat dans l’entreprise aussi bien pour les directions des ressources humaines que pour les syndicats."

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