Voici les propositions phares du Congrès américain pour réguler Google, Apple, Facebook et Amazon

Les 13 élus de la Commission judiciaire de la Chambre des représentants des Etats-Unis viennent de publier leur rapport sur les grandes entreprises technologiques. Apple, Google, Facebook et Amazon sont accusés d'abuser de leur position et d'étouffer leurs marchés respectifs. Pour réguler ces comportements agressifs, la Commission plaide pour une application stricte de la législation actuelle tout en réformant les parties obsolètes.

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Voici les propositions phares du Congrès américain pour réguler Google, Apple, Facebook et Amazon

Après plus d'un an d'enquête, la Commission judiciaire de la Chambre des représentants a rendu son rapport sur les pratiques anticoncurrentielles des grandes entreprises technologiques. Elle conclut que Google (Alphabet), Apple, Facebook et Amazon (les fameux "GAFA") procèdent à des "acquisitions prédatrices" pour éliminer la concurrence.

Destiné "aux décideurs politiques, aux responsables de l'application des lois antitrust, aux acteurs du marché et au public", ce rapport a pour objectif de fournir "une compréhension complète de l'état de la concurrence du marché en ligne".

“Pour dire les choses simplement, des entreprises qui étaient jadis de petites start-up qui défiaient le statu quo en tant qu’outsiders sont devenues des monopoles du genre que nous n'avions pas connu depuis l’époque des barons du pétrole et des magnats des chemins de fer", tranche la Commission dirigée par le démocrate David Cicilline.

Les élus américains appellent donc à agir rapidement pour réguler les agissements de ces grandes entreprises du numérique qui étouffent leurs marchés respectifs. Leurs recommandations reposent sur trois grands piliers : rétablir la concurrence, appliquer la législation existante et renforcer les lois antitrust.

1. Rétablir la concurrence
Le rapport note que "les entreprises étudiées sont présentes dans plusieurs secteurs d'activité". Ainsi, "lorsqu'elles opèrent sur des marchés adjacents, elles sont en concurrence directe avec les entreprises qui dépendent d'elles pour accéder aux utilisateurs, ce qui donne lieu à un conflit d'intérêt".

La Commission cite l'exemple d'Amazon qui utiliserait les données des vendeurs tiers pour développer ses propres produits. "Ces exemples démontrent un modèle dangereux de comportement prédateur qui, s'il n'est pas contrôlé, risque de provoquer une concentration de la richesse et du pouvoir", poursuit le rapport.

Le groupe de 13 députés propose d'interdire à certaines plateformes dominantes d'opérer dans des secteurs d'activité adjacents, ainsi que de pratiquer du "self-preferencing" c'est-à-dire de favoriser ses propres produits par rapport à ceux de ses concurrents. "Google, par exemple, s'est livré à du self-preferencing en classant systématiquement son propre contenu au-dessus des contenus tiers, même lorsque son contenu était moins pertinent pour les utilisateurs", souligne la Commission. Apple en fait de même avec ses services sur iOS.

Par conséquent, elle préconise l'adoption de règles de non-discrimination qui "exigeraient des plateformes qu'elles offrent des conditions égales pour un service égal". Ces règles s'appliqueraient "au prix ainsi qu'aux conditions d'accès".

Les membres du Congrès veulent également que les principes d'interopérabilité et de portabilité des données soient garantis, "ce qui exige que les plateformes dominantes rendent leurs services compatibles avec les différents écosystèmes et qu'elles rendent le contenu et les informations facilement transférables".

Le rapport prend l'exemple de Facebook. "Parce que Facebook n'est interopérable avec aucun autre réseau social, ses utilisateurs sont enfermés dans cette plateforme", détaille-t-il. Dans un commentaire transmis fin août à la Federal Trade Commission, la firme de Menlo Park s'est pourtant positionnée en faveur d'une réglementation sur la portabilité des données pour les photos et les vidéos, à condition de déterminer clairement la responsabilité de chacun au moment du transfert.

Le rapport aborde également la question des fusions-acquisitions des grandes entreprises technologiques. "Les entreprises étudiées par la Commission doivent une partie de leur domination aux fusions et acquisitions. Plusieurs d'entre elles ont créé des secteurs d'activités entiers par ce biais (…)", concluent les élus. Pour réguler ces pratiques, ils proposent la création d'une "présomption d'interdiction" pour les futures acquisitions.

Par conséquent, "toute acquisition par une plateforme dominante sera présumée anticoncurrentielle, à moins que les parties ne puissent démontrer que l'opération est nécessaire pour servir l'intérêt public et que des avantages similaires ne peuvent être obtenus par la croissance et l'expansion interne", détaille le rapport.

2. Appliquer la législation existante
Les élus rappellent que la législation américaine contient déjà de nombreux textes qui interdisent les comportements anticoncurrentiels. Ils regrettent que cette législation soit mal appliquée. Ils plaident pour le rétablissement d'un "contrôle rigoureux du Congrès sur les lois antitrust et leur application".

Par ailleurs, "le bilan de la Federal Trade Commission et du ministère de la Justice montre des erreurs significatives et des échecs répétés dans l'application de la législation (…) Il n'est pas encore clair si ces deux agences ont développé les outils nécessaires pour contester les transactions anticoncurrentielles", s'interrogent les membres de la Commission. Ils prennent l'exemple du ministère de la Justice qui a autorisé en février dernier l'acquisition du spécialiste du big data Looker par Google "malgré les risques sérieux que l'opération élimine un rival".

De plus, le rapport indique que les agences fédérales chargées de l'application du droit de la concurrence n'ont examiné que 38 % des fusions ayant conduit à des hausses de prix. Elles n'ont par ailleurs interdit aucune des plus de 500 acquisitions faites par Apple, Google, Facebook et Amazon depuis 1998. Il faut donc "renforcer la transparence et la responsabilité des agences".

3. Renforcer les lois antitrust
Malgré les nombreuses lois américaines, la législation actuelle est insuffisante, conclut le rapport. Ainsi, les rédacteurs appellent à une réaffirmation "des objectifs anti-monopoles des lois antitrust et leur caractère central pour assurer une démocratie saine et dynamique".

Cette nouvelle étape passe notamment par une consolidation de la section 7 de la loi Clayton, qui interdit les concentrations d'entreprises quand elles ont pour effet de restreindre substantiellement la concurrence. Il convient également de réviser la loi Sherman adoptée en 1890 et qui signe la naissance du droit de la concurrence moderne aux Etats-Unis.

Par ailleurs, le rapport recommande de préciser certaines jurisprudences de la Cour suprême. Dans la décision Ohio v. American Express Co, par exemple, il conviendrait d'indiquer que les affaires impliquant des plateformes n'exigent pas des demandeurs qu'ils établissent un préjudice causé des deux côtés d'un marché bilatéral.

Lancée en 2018, cette action antitrust cherchait à démontrer que Visa, MasterCard et American Express entravaient la concurrence en empêchant les commerçants d’inciter les consommateurs à utiliser des cartes de crédit ayant un plus faible coût pour eux. La Cour suprême a rejeté ces accusations en jugeant notamment que les requérants s'étaient focalisés à tort sur le seul segment du marché des commerçants.

Ainsi, "la preuve d’une augmentation de prix sur l’un des versants d’une plateforme de transaction bilatérale ne peut à elle seule démontrer l’exercice anticoncurrentiel d’un pouvoir de marché". Or, en appliquant ce précédent aux géants technologiques, les chances de succès en cas de procédure judiciaire sont minimes.

Le chantier est donc considérable. Déjà parce qu'il nécessite de revoir presque deux siècles de législation mais également parce que les membres du Congrès devront s'accorder. Si le parti démocrate ne ressort pas victorieux des prochaines élections, ces recommandations n'ont aucune chance d'aboutir.

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