Une feuille de route numérique, pour quoi faire ?
Le 28 février le gouvernement a présenté sa feuille de route numérique avec 3 priorités et 18 mesures. Derrière cette apparente sobriété, se cachent en fait 100 actions. Mais difficile d'y voir un chemin, encore moins une grande ambition nationale. Juste de quoi rattraper le retard ?
Aurélie Barbaux
En préambule de la feuille de route sur le numérique, présenté en séminaire interministériel le 28 février, un postulat. "Le numérique n’est pas une fin mais un moyen au service d’un renouvellement de notre modèle de société". Les documents officiels ne s'étendent pas vraiment sur ce modèle de société. Ce n'est peut-être pas le lieu. Mais le schéma d'ensemble, lui aussi, reste flou. Pas de grande ambition qui ferait du numérique l'instrument, le moyen, indispensable. Mais en cherchant bien, on trouve néanmoins quelques objectifs indépendants et des actions concrètes dans les 18 mesures... qui cacheraient en fait 100 actions engagées par le gouvernement ! Dont certaines font figure de vœux pieux.
Côté jeunesse, par exemple. Le gouvernement veut que, d'ici à la fin du quinquennat, "tous les élèves sortant du système scolaire soient familiers des outils et ressources numériques", avec la culture et l'esprit critique ad hoc. C'est surement le dossier le plus travaillé avec des objectifs clairs comme la formation de 150 000 enseignants en 2 ans. Il vaut mieux commencer par ça.
Coté économie et emploi, là, plus d'objectifs, mais des ambitions, comme de faire émerger des entreprises numériques de rang mondial ou doter la France des infrastructures du XXe siècle (très haut débit). Pour y arriver, le gouvernement a choisi d'investir en R&D 150 millions d'euros des investissements d'avenir, dans 5 technologies, qui devraient permettre de développer les services numériques des suivants : objets connectés, systèmes embarqués, calcul et simulation, cloud "maîtrisé", big data et sécurité des systèmes d'information. Pourquoi pas. Il veut aussi du très haut débit sur toute la France d'ici à 2022. Mais pour quoi faire exactement ?
L'Etat veut aussi une structuration de la filière numérique, sans dire non plus pourquoi. Et surtout en partant du principe que le numérique est une filière. Est-ce seulement le cas ? Qu'importe, il sait qu'il peut s'appuyer sur deux conseils : le Conseil national du numérique (CNNum) et le Conseil national de l'industrie.
Le troisième objectif de la feuille de route numérique est "de promouvoir nos valeurs". Les intitulés ne révèlent pas ces valeurs mais des objectifs devant les servir, comme la lutte contre l'exclusion, la création d'un environnement de confiance pour les citoyens, la diffusion de la culture, la modernisation de l'action publique, moderniser l'offre de soin... Côté moyens, à part sortir de l'ombre les espaces publics numériques (EPN) et la promesse pour 2014 d'une loi sur les données personnelles, le reste est en travaux (fiscalité numérique, services d'identité numérique, territoire de soin numérique...).
Certes, cette feuille de route reflète toute la complexité du numérique, un ensemble de technologies de rupture qui portent en elles une révolution sociétale. Et la France accuserait un retard certain sur d'autres nations dans sa mutation numérique. Alors, oui, cet ensemble de mesures indique bien la volonté de rattraper le retard. Mais à aucun moment d'essayer de jouer un coup d'avance, d'innover. Pas facile, certes, mais ce serait bien plus motivant.
Aurélie Barbaux
SUR LE MÊME SUJET
1Commentaire
Réagir