Souveraineté : L'Ile-de-France choisit ServiceNow pour ses services IT et écarte le français EasyVista
Alors que l'Etat incite les administrations à privilégier les solutions européennes, la Région Ile-de-France fait un choix à contre-courant en retenant la solution du géant américain ServiceNow, en écartant le français EasyVista. Une décision que la collectivité justifie par des considérations d'ergonomie, de couverture fonctionnelle et de rationalisation des coûts. Mais ce choix soulève des interrogations, en plein débat sur la souveraineté technologique.
Alors que certaines régions font le choix d'écarter les fournisseurs américains, la Région Ile-de-France a sélectionné l'américain ServiceNow pour la gestion des services informatiques en écartant au passage l'éditeur français EasyVista en place. Une décision pleinement assumée par Bernard Giry, le directeur général adjoint Transformation numérique, rattaché à la direction des systèmes d'information (DSI), de la collectivité.
Le changement porte sur un domaine bien spécifique : la gestion des services informatiques, ou ITSM pour Information Technology Service Management. Autrement dit, l’ensemble des processus et outils permettant aux services informatiques d’une organisation de gérer efficacement les demandes des utilisateurs, les incidents techniques, les pannes, les changements de configuration ou encore les équipements numériques.
Rationaliser les outils
Deux outils étaient auparavant utilisés au siège et dans les lycées : GLPI et EasyVista. "Nous avions deux outils différents. Et du coup, nous souhaitions rationaliser", explique Bernard Giry à L'Usine Digitale. L'objectif de l'appel d'offres était donc de réunifier la gestion des incidents et des demandes techniques à l'échelle régionale.
Concrètement, il s'agit d'un système de ticketing, permettant aux utilisateurs de signaler des pannes ou de faire des demandes liées à leur poste de travail, matériel ou logiciel. "J'ai une panne, je la fais remonter", résume-t-il. Outre cette rationalisation, le directeur cherchait une nouvelle solution plus "moderne", tout en pointant du doigt les faiblesses des précédents outils. "A peine 5% des agents maîtrisaient vraiment les outils", avec un manque de personnalisation, détaille-t-il.
A l'inverse, juge Bernard Giry, ServiceNow est perçu comme une plateforme plus large : "ce que permet aujourd'hui ServiceNow, c'est aussi des outils plus larges autour de la cyber, de la gestion de flux de demandes (...) qui sont en dehors de l'ITSM".
Pour la Région, le choix de ServiceNow repose également sur des considérations de projection à moyen terme. "Nous avions un potentiel d'évolution et d'intégration autour de cette plateforme qui nous évitait potentiellement d'acheter d'autres outils", indique le directeur. Il précise qu'il s'agit d'un marché sur quatre ans, dans lequel la stabilité, la couverture fonctionnelle et la capacité d'interopérabilité ont pesé.
La Région rassure sur la protection des données
Interrogé sur les enjeux de souveraineté et de protection des données, Bernard Giry affirme que l'usage de ServiceNow ne tombe dans le champ de la loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN). Pour rappel, ce texte a introduit de nouvelles obligations en matière d'hébergement des données "d'une sensibilité particulière" pour les administrations ou les opérateurs de l'Etat. Ils doivent s'assurer que le prestataire applique des garanties de sécurité strictes.
Dans ce cadre, il précise que les données transitant par ServiceNow ne contiennent pas d'informations sensibles : "pas de RIB, ni d'adresse personnelle". Il ajoute que les serveurs de l'entreprise américaine sont localisés en Europe, même s'il reconnaît que "la localisation n'est pas forcément le critère à retenir". En effet, en vertu du CLOUD Act notamment, les services américains peuvent exiger d'accéder aux données des utilisateurs de services proposés par des entreprises américaines, quelle que soit la localisation des data centers.
EasyVista dénonce le décalage entre le discours et les faits
Du côté d'EasyVista, le ton est plus critique. "Ce n'est pas une question de coût ou de fonctionnalité", affirme Patrice Barbedette, CEO de l'entreprise française, pointant plutôt un changement de direction et l'arrivée d'un responsable avec des habitudes acquises. Au-delà de ce cas particulier, il regrette l'écart croissant entre les discours politiques sur la souveraineté et les pratiques opérationnelles. "C'est une évidence que la commande publique doit être fléchée vers des éditeurs français ou européens", déclare-t-il.
Le décret d'application de la loi SREN devrait apporter certaines précisions sur les réelles obligations des administrations françaises. Or, ce texte se fait attendre. En attendant, les marges d'interprétation restent larges, notamment sur la qualification des données dites "stratégiques".
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