Un projet de loi américain veut restreindre la vente de GPU en Europe
Après les droits de douane, voilà le retour des contrôles à l'export ? Un texte dévoilé par le Sénat américain exige que les fabricants de puces pour l'IA, Nvidia en tête, donnent la priorité aux acheteurs américains avant toute vente à l’étranger, y compris aux pays alliés comme la France. Le Congrès estime que la pénurie de puces freine l'innovation américaine, les ventes à l’étranger se faisant au détriment des besoins nationaux. Une rhétorique inquiétante.
"America First". Ce slogan isolationniste des années 1910, ressuscité cent ans plus tard par le camp Trump, pourrait bientôt s'appliquer aussi aux semi-conducteurs.
Mardi 2 septembre, le Sénat américain a dévoilé une version préliminaire du projet de loi annuel sur sa politique de défense, incluant une disposition obligeant les entreprises américaines du secteur à prioriser les commandes nationales pour les accélérateurs IA haut de gamme avant de les fournir à des acheteurs étrangers. Et on ne parle plus seulement de la Chine, mais également des pays alliés des Etats-Unis... comme la France.
Contrôler les GPU à l'export... même vers l'Europe
Le texte, appelé "Guaranteeing Access and Innovation for National Artificial Intelligence Act of 2025" (GAIN AI Act), interdit explicitement les exportations des GPU les plus performants. L'objectif : garantir que les PME, start-up et universités américaines puissent accéder aux dernières puces avant les clients étrangers.
La mise en place d'une telle politique condamnerait de facto l'Union européenne à une dépendance aux hyperscalers cloud américains en matière d'IA. Elle n'est pas sans rappeler l'époque où les Etats-Unis refusaient de livrer des calculateurs au CEA pour désavantager la dissuasion nucléaire française.
Cependant, si ce projet de loi devait être adopté, il pénaliserait également les fournisseurs américains. Un porte-parole de Nvidia, contacté par nos confrères de Tom's Hardware, a vivement réagi à l'annonce : "La règle de diffusion de l’IA était une politique contre-productive, fondée sur de la science-fiction catastrophiste, et ne devrait pas être ressuscitée. Nos ventes à des clients dans le monde entier ne privent en rien les clients américains – et, en réalité, elles élargissent le marché pour de nombreuses entreprises et industries américaines".
Des critères très stricts
Les critères techniques pour qualifier une puce de "circuit intégré avancé" ou de "GPU IA avancé" sont très bas : il faut une performance totale (TPP) supérieure ou égale à 2400 (calculée en TFLOPS x longueur d’opération, sans sparsité). Les processeurs avec un TPP supérieur ou égal à 4800 seront interdits à l’exportation, quel que soit le pays destinataire. Cela inclut le GPU B300 de Nvidia (TPP de 60 000), mais aussi le H100 (TPP de 16 000), lancé il y a trois ans.
Autre critère retenu : une densité de performance supérieure à 3,2 (TPP divisée par la surface de la puce en mm²). Enfin, une bande passante mémoire supérieure à 1,4 To/s, une bande passante d’interconnexion supérieure à 1,1 To/s, ou une combinaison des deux supérieure à 1,7 To/s est aussi éliminant. A noter par ailleurs que même les accélérateurs moins puissants nécessiteront une licence d’exportation soumise à des conditions strictes, qui incluent l'absence de concurrence avec les entreprises américaines sur le marché international. Autant dire que ce serait un acte de guerre économique sans précédent.
Ce projet de loi intervient à un moment critique : l'administration Trump vient tout juste de lever les contrôles à l'exportation sur la vente de puces H20 à la Chine (qui ne se fait pas sans heurt, précisons-le) et envisage un assouplissement similaire des contrôles empêchant la vente des puces Blackwell de Nvidia à la Chine. De son côté, l'empire du Milieu met une forte pression aux entreprises nationales pour développer des alternatives aux équipements américains, mais la route est longue et ardue. Quant à l'Union européenne, elle n'a pas de plan B.
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