Le gouvernement interdit TikTok en Nouvelle-Calédonie, une première sur le territoire français
Après plusieurs jours d’émeutes en Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé différentes mesures, dont l’interdiction du réseau social TikTok sur l’archipel. Une décision inédite, qui peut faire l’objet de recours.
Le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé, le 15 mai, plusieurs mesures pour faire face aux violents affrontements qui secouent la Nouvelle-Calédonie depuis trois jours et ont déjà fait cinq morts. Parmi ces mesures, le déploiement de militaires pour sécuriser les ports et aéroport du territoire, mais aussi, l’interdiction du réseau social TikTok, appartenant à la société chinoise ByteDance. Une série de décisions prise quelques heures après la mise en place de l’état d’urgence sur l’archipel.
À l’origine de ces émeutes, un projet de loi constitutionnelle élargissant le corps électoral sur l’archipel, qui jouerait en défaveur des indépendantistes kanaks. Le texte a été adopté par l’Assemblée nationale dans la nuit de mardi à mercredi. Sans accord entre les indépendantistes et les loyalistes (anti-indépendantistes), le Congrès se réunira “avant la fin juin” pour voter la révision constitutionnelle, a déclaré hier Emmanuel Macron.
L’interdiction déjà en vigueur sur mobile
Matignon a précisé que cette interdiction de TikTok en Nouvelle-Calédonie était “en vigueur”, et “fonctionne opérationnellement” sur les téléphones portables de l’archipel. Une mesure rapide à mettre en place, l’infrastructure de téléphonie mobile sur le territoire océanique étant gérée par un seul opérateur, Mobilis. Ce dernier appartient à l’Office des postes et des télécommunications de Nouvelle-Calédonie (OPT-NC).
D’un point de vue technique, le blocage d’un site ou d’une application se fait généralement par un détournement du système de nom de domaine (DNS), qui associe les noms de domaine Internet avec leurs adresses IP ou d’autres types d’enregistrement. En l’espèce, les autorités demanderaient alors à l’OPT-NC de renvoyer les utilisateurs vers une adresse incorrecte pour leur empêcher l’accès. La mesure ne semble concerner, pour l’heure, que les téléphones mobiles, et possède une efficacité limitée : en utilisant un VPN ou en modifiant ses paramètres de connexion, il est théoriquement toujours possible d’accéder à l’application.
Le blocage ne doit pas nuire aux libertés fondamentales
Gabriel Attal n’a pas précisé les raisons d’un blocage visant particulièrement TikTok. Toutefois, depuis le début des émeutes, l’application est largement utilisée par certains individus pour exprimer leurs opinions politiques, se donner des points de rendez-vous de manifestation, voire transmettre des appels à la violence.
La décision de blocage de TikTok se justifie par le caractère non absolu de la liberté de manifester. “Les citoyens ont le droit de manifester, c’est une liberté fondamentale, prévue par les textes de lois, mais il ne doit pas y avoir de trouble à l’ordre public, explique à L’Usine digitale Alexandre Lazarègue, avocat en droit du numérique et des nouvelles technologies. S’il y a un risque pour la sécurité intérieure le gouvernement peut interdire une manifestation, et d’interdire tout moyen de communication susceptible de provoquer des émeutes ou un trouble à l’ordre public, si cela est justifié.”
Des recours envisageables
Cette interdiction n’est pas obligatoirement prise en réaction à l’instauration de l’état d’urgence, quelques heures auparavant : “L’état d’urgence est un moyen supplémentaire, poursuit l'avocat. Il aurait été possible de restreindre les réseaux sociaux en l’absence d’état d’urgence, mais celui-ci ne peut être mis en œuvre qu’en cas de risque particulier de trouble à l’ordre public.” Un tel blocage de réseau social par les autorités françaises est inédit. Le sujet avait toutefois été mis sur la table l’année dernière, lors des émeutes consécutives à la mort de Nahel M. À l’époque, le réseau social Snapchat était pointé du doigt, et notamment sa fonctionnalité de géolocalisation, qui aurait pu favoriser le rassemblement illégal de certains individus.
La mesure peut néanmoins être contestée, en référé liberté, notamment pour non-respect de la liberté de communication. “Le gouvernement est soumis à un juge, qui va examiner si la décision, prise dans une période limitée, est proportionnée aux libertés fondamentales, affirme Alexandre Lazarègue. Ceux qui ont intérêt à contester une telle mesure pourraient faire un recours administratif, et annuler cette décision.” TikTok n’a, pour l’heure, pas réagi à cette interdiction. Le recours peut aussi être initié par des citoyens calédoniens, ou par des associations constituées en Nouvelle-Calédonie et étant impactées par ce blocage.
SUR LE MÊME SUJET
Le gouvernement interdit TikTok en Nouvelle-Calédonie, une première sur le territoire français
Tous les champs sont obligatoires
0Commentaire
Réagir