Nous avons testé la réalité virtuelle dans les autocars de Flixbus... sans être convaincus

Flixbus s'intéresse à la réalité virtuelle. Le transporteur équipe certains passagers de casques VR depuis quelques mois dans le cadre de tests aux Etats-Unis. Il réfléchit également à son utilisation en France. Nous avons pu essayer ce service en avant-première et, malgré son intérêt potentiel, plusieurs obstacles nous semblent compliquer sa commercialisation dans sa forme actuelle.

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Nous avons testé la réalité virtuelle dans les autocars de Flixbus... sans être convaincus

Le spécialiste du transport par autocars Flixbus a lancé en décembre 2018 un test aux Etats-Unis concernant l'utilisation de casques de réalité virtuelle par ses passagers lors de certains trajets. Le service est réservé aux quatre places "premium" situées à l'avant du bus, et est disponible sur six lignes longue distance. Prévu à l'origine sur une période de trois mois, le test a été reconduit pour six mois supplémentaires.

L'entreprise réfléchit aussi au déploiement de cette technologie en France, et a invité L'Usine Digitale a en faire l'essai jeudi 7 février 2019 sur la ligne reliant Paris-La Défense à Amiens. Si l'idée nous semble intéressante pour ce type de transport, l'exécution laisse aujourd'hui à désirer.

Un casque de qualité médiocre

Le test a pris place à bord d'un car électrique (le seul de France), qui offre de meilleures conditions car il est moins bruyant. Le casque utilisé pour l'expérience est un Pico Goblin 2 fabriqué par la start-up chinoise Pico Interactive. L'interface et le contenu sont fournis par la start-up Inflight VR. Il s'agit de la même configuration que celle utilisée aux Etats-Unis.

Les problèmes sont multiples. Pour commencer, le Pico Goblin 2 n'est pas particulièrement confortable à porter. Le bas du casque appuie sur l'arrête du nez, ce qui se révèle assez désagréable, voire carrément douloureux sur de longues périodes. Il a également tendance à remonter sur le visage, ce qui nécessite de le repositionner régulièrement. L'utilisateur contrôle l'interface à l'aide de boutons sur le côté et le dessous du casque, un exercice qu'on imagine relativement peu pratique pour un novice.

Gare au mal des transports

Les choses ne vont pas mieux du côté logiciel. Inflight VR est, comme son nom l'indique, conçu pour le secteur de l'aviation. A priori, on pourrait penser que cela s'adapte parfaitement au transport en car, les passagers étant dans la même configuration. Sauf qu'un car peut être amené à prendre des virages. Ce n'est pas un problème sur les interminables autoroutes américaines, mais le segment sur lequel nous avons effectué notre test (entre les gares routières de La Défense et Ermont-Eaubonne) était tout sauf rectiligne.


L'expérience Inflight VR propose un environnement d'accueil "bus" conçu spécifiquement pour Flixbus

Lorsque le car tourne, la scène visualisée l'utilisateur tourne aussi, alors que ce dernier reste en place. Il lui faut recentrer la vue pour reprendre l'expérience convenablement. Cette action n'est pas particulièrement gênante si on y est habitué, mais elle parasite l'expérience en environnement urbain. Surtout, ce genre de rotation risque d'entraîner un mal des transports chez les utilisateurs, chose à éviter absolument.

L'approche à suivre dans ce cas serait plutôt celle d'Holoride, ou de Renault et Ubisoft avec le prototype Symbioz. L'idée est que le monde virtuel s'accorde aux déplacements du véhicule dans le monde réel, ce qui a pour effet de réduire en grande partie les problèmes de nausées. Mais cela nécessiterait un investissement conséquent, bien au-delà des efforts actuels de Flixbus.

Des vidéos à 360°... inadaptées au contexte

Dernier point : le contenu disponible. Il n'est pas particulièrement adapté ni qualitatif. Une cinquantaine d'expériences sont proposées : quelques jeux mais principalement des vidéos. Ces dernières sont divisées en vidéos classiques à voir dans un "cinéma virtuel" et en vidéos à 360°. Elles abordent divers thèmes : tourisme, documentaire, fiction... Mais le problème des vidéos à 360° lorsqu'on fait un trajet en bus (ou en avion), c'est qu'on ne peut pas se retourner pour en profiter. Il aurait été préférable de proposer des vidéos 3D à 180°.

Un "cinéma virtuel" qui ne rivalise pas avec les contenus pour smartphones

Par opposition, l'idée d'un cinéma virtuel tombe sous le sens, mais est limitée dans les faits par la sélection de films, documentaires et séries disponibles. Très peu de contenus de ce type étaient proposés lors de notre test, et il s'agissait principalement de courts métrages animés pour les enfants. Officiellement, Inflight VR et Flixbus proposent aussi plusieurs documentaires et quelques épisodes de Top Gear.

Pas de quoi faire rêver cependant, d'autant que Flixbus a récemment conclu un partenariat avec Amazon Prime Vidéo pour proposer les contenus de ce dernier dans ses bus (sur smartphones ou tablettes). La consultation de l'offre Amazon en VR pourrait être intéressante, mais n'est pas à l'ordre du jour.

Une offre de jeux qui fluctue

Enfin, du côté des jeux, quatre titres étaient disponibles : Chess VR, Baskhead, Tactera et Skylight. Ces deux derniers titres sont d'excellente qualité, mais il s'agit de jeux de stratégie destinés à des joueurs expérimentés. Ils ne sont pas vraiment appropriés pour le public que cible Flixbus, et vont d'ailleurs disparaître de l'offre, remplacés par un autre jeu plus simple d'accès : Dodge This VR. Baskhead (dans lequel le joueur contrôle un panier de basket et doit déplacer sa tête pour attraper les ballons) s'est révélé l'expérience la plus amusante de notre test.

On notera pour finir que nous avons rencontré plusieurs bugs lors de notre test, notamment avec les vidéos qui ne se lançaient pas correctement.

Bon concept, mauvaise exécution

Malgré les problèmes soulevés dans cet article, le concept a du mérite. Les trajets en car peuvent se révéler très longs et la réalité virtuelle est potentiellement un bon outil de distraction pour les passagers. Flixbus nous a par ailleurs indiqué avoir plutôt de bons retours de sa clientèle américaine. Mais il nous semble clair que Flixbus doit revoir son exécution en profondeur avant de commercialiser ce service sur son réseau. L'extension de la période de test aux Etats-Unis doit justement servir à adapter les contenus et améliorer l'expérience. Espérons que Flixbus ne fasse pas les choses à moitié.

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