"Sigfox est plus proche de l'astrophysique que des télécoms", selon son PDG
[ACTUALISE] Sigfox veut revoir son positionnement, prendre de la hauteur par rapport à ses concurrents et s'éloigner du monde des télécoms.
Pour son fondateur Ludovic le Moan, la start-up a une mission bien plus large que simplement fournir de la connectivité : elle doit aider à écouter – et donc mieux comprendre – le monde.
Sylvain Arnulf
Mis à jour
06 octobre 2016
Actualisation du 6 octobre : voici la nouvelle identité visuelle de Sigfox, présentée en vidéo :
Opération clarification. Sigfox a convié mardi 4 octobre 2016 quelques journalistes à Paris pour un exercice de pédagogie autour de son positionnement business, à quelques jours d'un important changement d'identité visuelle censé l'illustrer. C'est peu dire que la démonstration du PDG Ludovic le Moan n'a pas eu l'effet escompté. Le patron de la start-up toulousaine qui déploie un réseau bas débit longue portée pour les objets connectés s'est lancé dans une longue digression de presque 40 minutes, mi technologique, mi ésotérique. Ont été évoqués, pêle-mêle, la science quantique, les champs akashiques (un concept issu de la philosophie indienne), les pouvoirs de l'intuition et de la télépathie, l'hypothèse de la simulation (la réalité que nous percevons n'est qu'une simulation informatique géante), les promesses des "smart dust" et autres pensées techno-métaphysiques.
nos étoiles contraires
Nous vous passerons le détail du raisonnement (une de nos interviews Humanités numériques n'y suffirait pas) mais en résumé, Sigfox ne veut plus être assimilé à un simple opérateur télécoms. "Nous sommes plus proches de l'astrophysique que des télécoms", assène son fondateur. Comme dans la science issue de l'astronomie, ce qui intéresse la start-up est la propriété des objets de l'univers – de TOUS les objets et donc de toute l'information produite sur Terre. "On applique l'astrophysique à ce qui se passe sur Terre et non à ce qui se passe dans l'espace, résume le patron. Jusqu'ici, on utilisait l'astrophysique pour écouter des milliards d'étoiles au fin fond de l'univers grâce à des téléscopes. On applique la même chose aux objets qui sont ici, sur Terre. Nos antennes sont comme des radiotéléscopes synchronisés entre eux qui créent virtuellement un téléscope géant capable d'écouter de plus loin en plus loin vers le fond cosmique et de capter des énergies de plus en plus faibles".
Traduction : le métier de Sigfox est d'écouter les bruits qui ne viennent non pas de l'univers mais de la Terre – comprenez la data remontée par les objets. Et avec sa technologie peu chère, peu gourmande en énergie, ce sont littéralement tous les objets du monde qui peuvent être écoutés par les grandes oreilles de l'entreprise – la table, la chaise de bureau, l'animal de compagnie, la paire de chaussure… tout ce qui existe, et même ce qui n'existe pas. Précisons tout de même que Sigfox "n'écoute" pas vraiment les objets : elle ne fait que remonter de la data qu'elle ne lit ni n'interprète elle-même : ce sont d'autres acteurs qui s'en chargent.
vers l'infini et l'au delà
Sigfox compte se rapprocher de cet idéal cosmique en continuant à faire déployer son réseau par des partenaires dans de plus en plus de pays (24 aujourd'hui, une trentaine fin 2016, 60 à terme), faire baisser le prix des composants compatibles (pour arriver à quelques dizaines de centimes d'euros dans quelques années). Autres chantiers : augmenter le nombre d'objets certifiés pour sa technologie (201 aujourd'hui) et déployés sur le terrain (8 millions) et travailler sur l'"energy harvesting", la possibilité pour les objets d'être autonomes en énergie grâce à l'exploitation des forces cinétiques, vibratoires, chimiques, etc.
La société finance son développement à la fois par ses levées de fonds (il a récolté 150 millions de dollars depuis sa création) que par les licences payées par ceux qui déploient son réseau à l'étranger (des centaines de milliers à plusieurs millions d'euros selon la taille du pays). Chacun de ses partenaires locaux lui verse ensuite 40% du coût des communications vendues via son réseau. Sigfox fait donc rentrer du cash, mais vu sa vitesse de déploiement, il n'espère parvenir à l'équilibre qu'en 2019.
Un mini big-bang à venir
Dans cette longue course, la start-up aimerait bien que les géants des télécoms cessent de lui mettre des bâtons dans les roues. Car Sigfox se dit victime d'une campagne de dénigrement systématique de la part des géants (notamment français, sauf son allié Altice-SFR) du secteur. L'objectif est de mettre fin à la "guerre des réseaux bas débit" issue d'un monde des télécoms auquel il prétend ne pas appartenir. "Il faut sortir du débat 'est-ce que ma techno est meilleure que la tienne ?'", juge Thomas Nichols, responsable communication de la marque. "We come in peace", plaisante-t-il en VO.
Sigfox aimerait faire des opérateurs des alliés plutôt que des ennemis. Son réseau est déjà largement déployé, pourquoi en construire de nouveaux ? Tant d'efforts pour un marché finalement pas si gros : Sigfox estime les revenus liés à la connectivité très bas débit en France en 2020 à 100 millions d'euros. Bien loin des dizaines de milliards d'euros brassés par les opérateurs comme Orange...
Il faudra un peu plus qu'une nouvelle image de marque pour renouer contact avec la galaxie des opérateurs. Sigfox dévoilera en tout cas ses nouveaux logo et slogan le 6 octobre 2016 à midi heure française. Un "big bang", promet-il, qui doit illustrer le rapprochement des mondes physiques et numériques. Préparez vos téléscopes !
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