
L'Usine Digitale - Quel est le potentiel des eSports pour l'économie numérique en France ?
Jean-Claude Ghinozzi - Il y a une audience en très fort développement, mais son impact économique aujourd'hui est assez difficile à mesurer. Lorsqu'une entreprise privée comme Mojang (éditeur de Minecraft) organise la MineCon, il n'y a pas de retombées économiques directes. En revanche, l'effet communautaire est très fort, avec plusieurs milliers de personnes qui se rassemblent. En atteignant des dizaines de milliers de participants, ces évènements auront un effet évangélisateur fort au sein de la société. On peut établir un parallèle naturel avec les rencontres sportives ou les spectacles.
Quels sont les vecteurs de monétisation ?
La monétisation pourra se faire au travers des diffusions télévisées, ou sur YouTube, Twitch, Dailymotion ou autre. Les gains financiers se feront en matière de droits pour les éditeurs de logiciels et d'audience pour les médias. J'estime que le marché représentera plusieurs centaines de millions d'euros d'ici 3 à 5 ans. Les signes sont là, par exemple quand on voit de grands éditeurs comme Activision-Blizzard se structurer dans le secteur. On sait qu'ils n'investiraient pas si le marché n'avait pas ce potentiel.
Quels sont les obstacles à son développement ?
L'industrie du jeux vidéo en 2015
- Chiffre d'affaires : 2,87 milliards d'euros, contre 1,6 milliard en 2005.
- Répartition du CA: 65% sur consoles, 21% sur PC, 14% sur mobile.
- Software : 1,6 milliard d'euros de revenus. 46% de ventes physiques, 40% de ventes dématérialisées, 14% sur mobile.
- Les titres FIFA 16 et Call of Duty Black Ops 3 se sont vendus à 1,27 et 1,08 million d'exemplaires respectivement, générant 75,5 et 61 millions d'euros.
- Les trois premiers éditeurs sont Electronic Arts, Nintendo et Activision Blizzard.
- Audience : 53% de joueurs réguliers, contre 29% en 2005. L'âge moyen du public est de 35 ans, contre 21 ans en 2000.
Cela pourrait passer par la création de labels ?
Oui, entre autres. Il faut un contexte mieux défini, moins sauvage. Nous devons établir des règles de bonne conduite pour les organisateurs (l'aspect sécurité pour les évènements physiques, des tranches d'âge, comment on accueille le public, qu'est-ce qui est payant ou pas), pour éviter que cela parte dans tous les sens et qu'on se retrouve au final avec des contraintes légales qui tueraient le marché.
C'est pourquoi le Sell s'est beaucoup engagé sur la question, pour aider l'industrie et surtout éviter qu'on sur-réglemente. Nous travaillons avec le cabinet d'Axelle Lemaire pour intégrer ce cadre réglementaire dans la loi pour une République numérique. Ils nous apportent tout leur soutien. Il nous faut de toute façon un ministère de tutelle. Et puis il y a aussi des sujets très simples : quand un joueur professionnel ou semi-pro vient des Etats-Unis, de Corée ou de Chine, quel type de visa lui faut-il ? Aujourd'hui il n'y a pas de règle.
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