"Le défi de notre incubateur, c'est d'insuffler l'esprit start-up à l'énorme organisation L'Oréal", selon Guive Balooch
Guive Balooch, vice-président du Connected Beauty Incubator de L'Oréal , explique à L’Usine Digitale pourquoi et comment l'industriel a crée un incubateur dans la Silicon Valley consacré à la recherche et au développement de produits de beauté connectée.
Emmanuelle Delsol
Le makeUp Genius de L’Oréal est le premier produit sorti de l’incubateur de technologies basé en Californie (Connected Beauty Incubator, CBI) que l’industriel a créé il y a 18 mois. Cette application, présentée le 15 mai au Festival de Cannes, transforme le mobile en miroir très réaliste pour essayer du maquillage. L’incubateur qui l’a vu naître, est uniquement consacré à la recherche et au développement de produits de beauté connectée. En travaillant avec des start-up du numérique, et en s’appuyant sur les 4000 chercheurs de la Recherche et Innovation (R&I) de L’Oréal.
Cette entité travaille de façon indépendante en s’appuyant sur la R&I, mais sans passer par ses processus habituels. Trop longs et pas assez agiles pour le numérique. Le MakeUp Genius a été conçu avec plusieurs technologies de la start-up californienne Image Metrics dont le tracking de 64 points du visage et le rendu temps réel sur mobile. Guive Ballooch, vice-président de ce CBI (Connected Beauty Incubator) raconte.
L'Usine Digitale - Pourquoi avoir décidé de créer cet incubateur de beauté connectée ?
Guive Balooch - Nous avons bien vu que de plus en plus d’objets étaient connectés, tout comme nos clients, évidemment. Et pour inventer de nouveaux produits L’Oréal répondant à ces tendances, notre idée était de créer un incubateur technologique, mais qui ne soit pas seulement focalisé sur la technologie, justement. Nous avons donc monté une équipe pluridisciplinaire d’une quinzaine de personnes : un designer d’expérience utilisateur, un ingénieur mécanique, un opticien, un spécialiste des matériaux, un data scientist, un spécialiste du jeu, un biologiste des cellules souches, etc.
Il n’y a quasiment pas de compétence en double. Nous choisissons très soigneusement nos collaborateurs pour leur spécialité, mais aussi parce qu’ils ont un esprit start-up, qu’ils se sentent investis dans une cause, en quelque sorte. Pour développer une app avec une technologie unique, une interface et une expérience utilisateur uniques, il nous fallait réunir toutes ces compétences. Et qu’elles travaillent vraiment ensemble, au même endroit.
Comment avez-vous identifié la start-up Image Metrics qui a travaillé avec vous sur MakeUp Genius, et plus globalement, comment identifiez-vous les start-up qui collaborent avec vous ?
Pour Make-up Genius, nous sommes partis des besoins du consommateur. Etre installés au cœur de la communauté des start-up, nous a permis d’identifier rapidement Image Metrics. Ils sont excellents sur le tracking du visage en 64 points, et surtout ils savent adapter cette technologie aux mobiles dont les appareils photos sont de faible qualité et dont la puissance est trop faible a priori pour réaliser du tracking en temps réel.
Mais il n’y a pas de règle pour identifier une start-up. Parfois on tombe sur une technologie qui nous bluffe, parfois il faut chercher davantage. Beaucoup de jeunes pousses travaillent d’ailleurs avec nous, non pas parce que nous sommes L’Oréal, mais parce qu’on fait ce projet, et que nous avons cet incubateur. Nous les traitons comme des partenaires, pas comme des fournisseurs. On essaie de co-développer avec eux.
De l’autre côté du miroir, comment travaillez-vous avec la R&I L’Oréal ?
J’ai été heureusement surpris par la réaction des chercheurs. L’incubateur est très petit, mais malgré tout, le projet a apporté un nouvel esprit à la recherche. La R&I est un atout incroyable pour nous. Je pourrais recruter un spécialiste de la couleur par exemple, mais il y en a au moins 400 au sein de la recherche L’Oréal. Donc, quand nous avons besoin de leur compétence, nous nous rendons tout simplement au "colour lab", nous parlons aux chimistes, aux informaticiens... Sans ces coloristes, ces chimistes, on aurait un projet comme un autre.
Le travail sur le projet entre la R&I, la start-up et nous est un avantage. Quant aux chercheurs, leur participation n’a posé aucun problème, bien au contraire. Ce sont des scientifiques, et ils adorent aborder de nouveaux sujets ! Enfin, mon rôle, c’est de mener l’ensemble de ce travail vers un modèle business.
Vous avez plusieurs projets en cours. Comment êtes-vous organisés pour qu’ils avancent au rythme du numérique ?
Nous avons entre 5 et 10 projets en cours au CBI. Avec une organisation forcément très lean start-up. Je décide des lignes stratégiques, mais ensuite je laisse les mains très libres à mon équipe. Ils ont un bac à sable de base et chacun travaille ensuite comme il veut, du plus junior au plus senior ! Chacun sur des projets différents, chacun à des stades différents des projets... Notre indéniable avantage est le support d’une énorme organisation, celle de L’Oréal. Mais notre défi, c’est aussi d’impulser cet esprit de start-up à cette énorme organisation.
C’est pour cette raison, pour être souples, agiles, lean que nous resterons une petite équipe d’une quinzaine de personnes. Comme chez Twitter, ou chez Linkedin, ce n’est pas la taille de l’effectif qui importe, mais la façon dont les personnes travaillent sur des sujets précis. Beaucoup de grands du numérique sont partis d’une idée extrêmement simple avec une petite équipe focalisée sur un sujet. Nest (le thermostat connecté avec sa plate-forme d’objets connectés pour la maison, devenu filiale de Google, NDLR) est l’exemple flagrant d’une "lean idea" de ce type. On met 30 personnes dessus, et hop, c’est parti !
Profitez-vous de votre présence dans la Silicon Valley pour travailler aussi avec les géants de la Silicon Valley ?
Ce que font les Google, les Facebook dans le numérique est très global. Nous, nous voulons résoudre des problèmes très spécifiques, nous focaliser dessus. Et si nous avons créé cet incubateur, c’est pour travailler avec des start-up. Bien sûr, pour ce faire, la Silicon Valley est une position stratégique. Mais n’approcher que des jeunes pousses californiennes serait aussi une erreur. Nous avons aussi des bureaux dans le New-Jersey et à Paris, et nous regardons les start-up du monde entier !
Propos recueillis par Emmanuelle Delsol
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