Antitrust : la Commission européenne inflige 1,84 milliard d'euros d'amende à Apple
La Commission européenne reproche à Apple d’avoir "abusé de sa position dominante" sur le marché des services de streaming musical. Elle a constaté qu’Apple imposait de lourdes restrictions aux développeurs d’applications, empêchant aux utilisateurs de ses appareils d’être informés d’alternatives moins chères qu’Apple Music. Un verdict qui tombe cinq ans après une plainte du géant de la musique en ligne Spotify. Le montant, bien plus élevé qu’attendu, se veut “dissuasif” pour la marque à la pomme.
1,84 milliard d’euros : c’est le montant de l’amende infligée au géant de l’informatique Apple par la Commission européenne, le 4 mars. Une première sanction européenne pour la firme en matière de non-respect de la concurrence, et un montant record, tous griefs confondus. “Pendant dix ans, Apple a abusé de sa position dominante sur le marché de la distribution d’applications de diffusion de musique en continu par l’intermédiaire de son App Store”, a déclaré Margrethe Vestager, vice-présidente chargée de la politique de concurrence à la Commission européenne.
À l’origine de cette sanction, une plainte, déposée en 2019 par l’un des principaux acteurs du streaming musical, Spotify. La société reprochait à Apple de déjouer les règles de la concurrence loyale. Cette dernière jouait sur deux tableaux, en étant à la fois un magasin d’applications mobiles, avec l’App Store, et un éditeur d’applications, avec Apple Music. La firme de Cupertino imposait alors une commission de 30% à tous les services de streaming musical présents sur l’App Store, créant une forme de concurrence déloyale.
Des prix plus élevés et un choix limité pour les utilisateurs iOS
Dans sa décision, la Commission européenne dénonce notamment le fait qu’Apple imposait aux développeurs “des restrictions les empêchant d’informer les utilisateurs iOS que d’autres services de streaming musical moins chers étaient disponibles en dehors de l’application”. Des restrictions qualifiées de dispositions “anti-steering”, qui enfreignent l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
L’exécutif européen estime que ces dispositions anti-steering interdisent une juste information aux utilisateurs iOS “des prix des offres d’abonnement disponibles”, mais aussi “des différences de prix entre les abonnements intégrés aux applications (…) et les abonnements disponibles ailleurs”. Ces mesures, qualifiées de “ni nécessaires ni proportionnées”, interdisent aux développeurs d’inclure des liens vers leur site web pour proposer d’autres formules d’abonnement, et de leur présenter de nouvelles options tarifaires après la création d’un compte, par mail notamment.
Les pratiques de concurrence déloyale d’Apple, qui ont duré près d’une décennie, ont pu contraindre les utilisateurs à payer plus cher pour les abonnements de streaming musical. De plus, l’expérience utilisateur (UX) a été modifiée, contraignant les propriétaires d’iPhone à “se lancer des recherches fastidieuses pour trouver des offres pertinentes en dehors de l’application”. L’exécutif européen a ordonné à Apple de supprimer ses dispositions anti-steering.
Un montant 4 fois plus élevé qu’attendu, mais pas exorbitant
La Commission européenne indique avoir fixé le montant de l’amende à 1,8 milliard d’euros pour la rendre “suffisamment dissuasive” pour Apple et “dissuader d’autres entreprises ayant une taille et des ressources similaires de commettre une infraction identique”. Le montant est en effet bien plus élevé qu’espéré : mi-février, le Financial Times estimait qu’Apple allait écoper d’une amende de 500 millions d’euros, soit presque 4 fois moins.
Mais bien qu’il s’agisse d’une amende record pour Apple de la part de l’organe européen, le montant est loin d’être astronomique. En théorie, la Commission européenne peut infliger, pour ce motif, une amende allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise, soit 38,3 milliards de dollars. Ici, l’amende s'arrête donc à… 0,48% de son chiffre d’affaires 2023.
Apple va faire appel
Dans un message publié sur sa newsroom, Apple fustige le jugement de la Commission européenne : “La décision a été prise malgré l’incapacité de la Commission à découvrir la moindre preuve crédible de préjudice pour le consommateur et ignore les réalités d’un marché florissant, compétitif et en croissance rapide”. Sur la défensive, la firme ajoute : “Aujourd'hui, Spotify détient 56 % du marché européen du streaming musical (…), et ne paie rien à Apple pour les services qui ont contribué à en faire l'une des marques les plus reconnaissables au monde. Une grande partie de leur succès est due à l'App Store”. Le grand groupe américain a annoncé son intention de faire appel.
De son côté, Spotify salue un “moment important dans la bataille pour un internet plus ouvert pour les utilisateurs (…). Cette décision envoie un message fort : aucune entreprise, pas même un monopole comme Apple, ne peut exercer de pouvoir abusif pour contrôler la manière dont les autres entreprises agissent avec leurs utilisateurs.”
Les Big Tech dans le viseur de la Commission européenne
La Commission européenne n’est pas la première autorité à sanctionner Apple pour des mesures antitrust. Début 2022, l’Autorité de la concurrence néerlandaise lui avait infligé une amende de 5 millions d’euros par semaine, qui était grimpée à 50 millions d’euros, pour ne pas avoir laissé les applications de rencontre utiliser d’autres systèmes de paiement que celui qu’elle propose.
Les Gafam sont dans le viseur de l’organe européen, notamment en ce qui concerne le droit de la concurrence. En juillet 2018, Google avait écopé d’une amende record de 4,3 milliards d’euros, accusée de servir du système d’exploitation Android pour “consolider la position dominante de son moteur de recherche”. Fin 2022, Amazon avait échappé à une amende de la Commission européenne, en s’engageant, entre autres, à ne plus utiliser les données générées par les vendeurs tiers sur sa marketplace pour ses propres activités.
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