"Il faut qu’on arrive à doubler notre chiffre d’affaires sur le canal en ligne", Laurent Milchior, Etam
Comme chaque année depuis 10 ans, Etam a profité de la Fashion Week parisienne pour organiser son défilé le 25 septembre 2018 au Musée des Beaux Arts à Paris. Un show désormais très prisé qui a redonné une image tendance à l’enseigne. Mais au-delà du côté glam’ et sexy, l’enseigne multiplie les innovations, et particulièrement dans le numérique. Evolution du site e-commerce, cabines connectées, RFID, exploitation de la data… A 30 minutes du défilé, Laurent Milchior, co-gérant du Groupe, a détaillé sa stratégie digitale à L’Usine Digitale.
Stéphanie Mundubeltz-Gendron
Vous avez un réseau de 770 points de vente en France et êtes présent sur le Web depuis 2001. Aujourd’hui, quel est le poids du e-commerce pour Etam ?
Laurent Milchior : On ne communique pas sur le chiffre global. Mais si on prend le chiffre réalisé en e-commerce additionné au chiffre sur vente-privée et showroomprivé, on est à peu près à 10 % du CA. En pur e-commerce sur nos sites, on est autour de 7%. Ce n’est pas assez. Il faut qu’on arrive à doubler notre chiffre d’affaires sur le canal en ligne. Sachant qu’on est relativement peu sur les marketplace, et pas sur Amazon.
Pourquoi ne pas aller sur les marketplace ?
L. M : Le digital, c’est avant tout un vecteur d’omnicanalité et de trafic en magasin. Dès qu’on a un petit bug sur le site, pour une raison X ou Y, on voit directement la baisse de trafic répercutée en boutique. C’est instantané. 50% de nos clientes, pour celles qu’on arrive à tracer en magasin, ont visité le site sur les 7 derniers jours. On fait des progressions de 20 à 30 %, mais il faut qu’on accélère davantage.
Quelle est la part du mobile ?
L. M : On est mobile first. C’est 75 voire 80 % du trafic, mais c’est moins en vente : on a un taux de transformation qui est beaucoup plus faible. La fluidité est hyper importante. Il y a beaucoup de pistes sur le canal d’achat qui sont encore à travailler assez significativement pour progresser.
Quelle stratégie mettez-vous en place pour doubler ce CA "digital" ?
L. M : On a changé l’organisation de l’entreprise. Jean-Bernard della Chiesa, qui était patron de la tech chez Undiz et qui a créé Scrambled, notre petit lab, a pris la direction de la transformation et de l’innovation. Il garde Scrambled. C’est un garçon qui nous accompagne depuis le début sur toutes ces innovations digitales qui reprend la direction informatique, sous Jean-Bernard.
On crée vraiment un pôle transformation et innovation. Car on a plein d’initiatives, mais les transformer dans le dur et les déployer "full réseau", c’est encore une autre paire de manches. Dès que l’informatique bloque pour X raisons et qu’elle réfléchit de manière plus traditionnelle, cela donne des délais qui ne sont pas ceux de notre industrie demain.
On crée vraiment un pôle transformation et innovation
Comment ce nouveau pôle "transformation et innovation" va-t-il est structuré ?
L. M : On va avoir plein de petits pôles de développeurs sur différentes compétences qui vont travailler en équipe. Mais ils vont aussi pouvoir être dédiés à d’autres équipes selon les besoins pour donner plus de flexibilité à cette organisation et déployer plus vite. C’est plus de reportings, mais c’est plus agile.
Ils ont du budget, ils font des choses, ça marche ou ça ne marche pas, ce n’est pas grave. Quand ça marche, c’est une bonne nouvelle et quand ça ne marche pas, ça fait partie du budget R&D. Il faut faire beaucoup plus d’AB Testing, on n’en fait pas assez.
Il faut laisser l’autonomie à des équipes qui vont prendre des initiatives sans que ça remonte forcément pour validation budgétaire. Sinon la machine se grippe. Et moi, ma bande-passante, même si elle est de 15h par jour, elle n’est pas extensible…
Comment cette stratégie digitale va-t-elle se traduire pour les clients ?FutureScore.io, l’IA qui évalue le potentiel de vente d’un produit
Etam a reçu le prix le Trophée RetailTech LSA 2018 pour sa solution FutureScore.io. Laurent Milchior nous explique le principe : "L’idée est de tester les collections et des dispositifs marketing en amont. On va cibler une communauté, la nôtre, une "look alike" ou une communauté qui n’est pas la nôtre, et lui faire tester une base de produits. C’est un système de swipe : "J’aime, j’aime pas, j’adore", on compare avec prix et sans prix. Cela permet de générer rapidement 3000 réponses pour quelques euros, avec une justesse d’environ 75 %. On a créé une spin-off et on est en train de la commercialiser à d’autres retailers. Les données sont gardées de manière confidentielle. Tout a été fait en interne avec Scrambled. On prend des freelance pour le développer et on est en train de monter une équipe du coup".
L. M : Tout ce qui est e-commerce est aussi omnicanal. On vient donc de lancer le "Try at home", en magasin, sur les Champs-Elysées, et sur le Web. L’idée est de lever la barrière d’achat pour pouvoir essayer les produits. En magasin, cela évite de faire la queue en cabine. Vous prenez 10 articles, on prend votre autorisation de paiement, on vous donne une étiquette. Soit vous la collez et vous renvoyez le sac avec ce que vous ne voulez pas, soit vous le redéposez en magasin. On parle beaucoup de "sans couture". C’est vraiment ça le principe : réduire tous les freins à l’achat.
Try at home est un exemple… Quels sont les autres axes de développement ?
L. M : Il y a beaucoup de travail sur la data. Elle devient omniprésente. On va beaucoup plus personnaliser notre site et nos interactions avec nos clientes. On a notamment créé le logiciel Mind Out. C’est un outil qui permet de cartographier les produits en fonction de leur engagement pour le consommateur. Car on s’est aperçu qu’il y a des produits best-sellers, mais c’est le numéro deux pour tout le monde. Du coup, il n’engage pas vraiment. Or il y a plein de "clusters" qui mettent tout le temps un produit, qui est un produit "moyen-plus", en premier dans leur panier. Quand je vais parler de ce produit à la cliente, elle va être beaucoup plus réceptive.
Comment allez-vous déployer cette solution ?
L. M : On va être en pilote sur les Champs-Elysées dans quelques jours. Notre challenge, c’est de reconnaitre les clientes quand elles rentrent en magasin et non quand elles sortent. A la caisse, c’est trop tard. Or, tout ce qui est beacon ça ne marche pas. L’idée est donc d’aller vers le consommateur et dire "Vous êtes dans la base, est-ce que vous voulez savoir quels sont les avantages aujourd’hui ?" Je vous retrouve, je vous donne vos avantages et moi, vendeur augmenté, avec Mind Out, je sais les produits que je dois vous recommander.
En magasin, vous avez également développé les cabines connectées en décembre 2017, quels sont les résultats ?
L. M : Le principe est simple : dans la cabine, je scanne mon produit, je demande une autre taille et la vendeuse me l’apporte. La taille demandée représente 3% du chiffre d’affaires. On peut le tracer sur Undiz car on est en RFID. Cela marche très bien. On va le généraliser sur tous nos magasins d’une certaine taille. On va déployer sur les magasins qu’on ouvre au fur et à mesure. Après, sur une toute petite boutique de 60 mètres carrés, ça a moins d’avantages.
Dès l’été prochain, on sera en full RFID
Mais à part Undiz, tous les articles ne sont pas en RFID chez Etam…
L. M : Dès l’été prochain, on sera en full RFID et ce sera le cas sur 30 magasins dès cet hiver. On retague à l’entrepôt. Cela nous permettra aussi de faire du ship from store. On pense qu’une trentaine de pourcents de notre chiffre d’affaires e-commerce se fera directement depuis le magasin. Cela permet d’élargir aussi le catalogue, d’améliorer le taux de transformation, et d’offrir des services à la cliente de livraison en une demi-heure relativement facilement. Ça, ce sont des freins qu’on enlève sur le e-commerce.
On parle d’omnicanal, mais comment impliquer les boutiques sur le développement du chiffre d’affaires en ligne ?Etam Live Show, un dispositif aussi digital
"Le Live Show est un des éléments de nourriture de la marque. Sur le 1er rang, les blogueuses représentent 40 millions de followers dans tous les pays… On a travaillé avec Brut cette année, et évidemment avec Instragram et YouTube. On a un dispositif assez complet. La data devient omniprésente même dans la communication de ce type d’événement. On avait une vidéo l’an dernier pour faire la promotion du show qui avait fait 50 000 vues. La même cette année, en la gérant bien, avec de l’AB test, a fait un million de vues", détaille Laurent Milchior. Et c’est sans compter la diffusion du défilé en live…
L. M : On va rattacher le chiffre d’affaires du Web à nos magasins. Le click and collect ne sera pas un critère, car je ne considère pas que le magasin ait fait son travail. Par contre, le chiffre d’affaires de la zone de chalandise définie, oui, car un magasin irradie ses clients. Pour les clientes qui sont dans le CRM et qui ont consommé depuis 6 mois ou un mois dans un magasin, on va attribuer leurs achats en ligne à ce magasin. On est en pilote pour la fin de l’année et on va l’intégrer dans les budgets 2019. Ce sera prêt dès le 1er janvier 2019, avec une formation auprès des vendeurs.
Comment se décline cette stratégie e-commerce à l’étranger ?
L. M : Nous souhaitons pousser les pays sur lesquels on a le plus de croissance. On a racheté notre franchisé russe, qui a 40 magasins. On livrait depuis la France pendant 6 mois. Là, on va avoir un stock dédié en Russie et on va peut-être travailler avec La Moda, le Zalando russe.
Pour les autres pays, l’idée est de travailler avec nos partenaires franchisés. Au Mexique, par exemple, c’est Liverpool, un groupe de grands magasins. Ils ont leur propre marketplace. On n’y est pas encore mais on veut y être. On veut aussi avoir un site e-commerce, mais on veut que ce soit eux qui le gèrent car ils ont le stock et la logistique sur place. On est en train de travailler sur une plateforme en marque blanche sur laquelle ils brancheraient leur stock, leur modèle de paiement et de livraison mais avec une interface qui ressemblerait le plus possible à notre site.
C’est la somme de toutes ces initiatives qui va faire qu’on va essayer de faire de grosses progressions l’année prochaine.
La vidéo promo du Live Show : 1 M de vues grâce à l'AB Testing
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