Le régulateur britannique de la concurrence préoccupé par la concentration dans l'IA générative
La CMA souligne les préoccupations croissantes concernant les modèles fondamentaux d'IA et identifie trois principaux risques. Sa directrice générale, Sarah Cardell, a d'ailleurs présenté les résultats du rapport lié, expliquant être passé de la curiosité à de réelles inquiétudes aujourd'hui, alors que le marché continue de se développer à un "rythme effréné".
L'Autorité britannique de la concurrence et des marchés (CMA) a fait part de ses préoccupations croissantes concernant le marché de l'IA générative et des grands modèles de langage, notamment les modèles dits fondamentaux. Elle a donc identifié trois principaux risques et interdépendants pour une concurrence loyale, efficace et ouverte. Cette démarche fait suite à la publication d'un premier rapport sur les modèles fondamentaux de l'IA publié en septembre dernier.
La démarche de l'autorité de la concurrence et des marchés (CMA) fait suite à son rapport initial sur les modèles de fondation de l'IA (FM) publié l'année dernière. Ce rapport proposait un ensemble de principes visant à soutenir l'innovation et à orienter ces marchés vers des résultats positifs pour les entreprises, les consommateurs et l'économie dans son ensemble. Ce dernier donnait déjà certaines clés pour garantir à la fois la protection des utilisateurs et une concurrence saine. Cette semaine, la directrice générale à la tête du régulateur, Sarah Cardell, est revenue sur la version mise à jour de ce rapport à l'occasion d'une conférence à Washington DC.
Un changement de paradigme profond
Sarah Cardell a donc présenté les points saillants de la mise à jour des travaux de la CMA sur les modèles d'IA générative où elle décrit notamment la promesse de transformation comme un "changement de paradigme" potentiel pour les sociétés et les économies. Elle décrit également une série d'évolutions rapides sur ce marché qui ont suscité une nette augmentation des préoccupations. Le discours souligne la présence croissante d'un petit nombre d'entreprises technologiques historiques qui détiennent déjà une part de marché sur bon nombre d'autres marchés numériques les plus importants d'aujourd'hui.
Il n'y a pas besoin de chercher bien loin pour savoir que le régulateur pointe du doigt des entreprises comme Amazon, Google, Meta et Microsoft pour ne citer qu'elles. Elles possèdent en effet toutes les clés du développement de modèles d'IA générative, incluant l'infrastructure, les données et les talents, mais aussi les applications et les plateformes nécessaires à une entrée sur le marché.
La crainte de la CMA est simple : elle redoute que certaines entreprises aient à la fois la capacité et la motivation de façonner ces marchés dans leur propre intérêt - à la fois pour protéger leur pouvoir de marché existant et pour l'étendre à de nouveaux domaines.
Un réseau interconnecté qui pourrait freiner l'innovation et le choix
Cette concentration pourrait avoir "un impact profond sur une concurrence équitable, ouverte et efficace sur les marchés liés à ces modèles, nuisant finalement aux entreprises et aux consommateurs, par exemple en réduisant le choix, en diminuant la qualité et en augmentant les prix, ainsi qu'en freinant le flux d'innovations potentiellement sans précédent et les avantages économiques plus larges de l'IA", estime la CMA. Dans son rapport mis à jour, le régulateur britannique a donc identifié ce qu'il décrit comme "réseau interconnecté" de plus de 90 partenariats et investissements stratégiques impliquant les mêmes entreprises.
Sans surprise, sont cités Google, Apple, Microsoft, Meta, Amazon et Nvidia (qui est le principal fournisseur de puces d'accélération de l'IA) également désignés sous le nom de "GAMMAN". Le schéma suivant met en évidence les liens de ces géants technologiques avec des start-up ou entreprises évoluant dans le secteur de l'IA. AI21 Labs, Anthropic, Cohere, Falcon LLM, Hugging Face, Inflection AI, Midjourney, Mistral AI, OpenAI, Perplexity AI, ou encore Stability AI font partie de la longue de sociétés connectées à ces géants.
La CMA admet que ces rapprochements permettent de faire avancer l'innovation grâce à la force de traction qu'on les GAMMAN. Pour autant, l'écosystème technologique subit une pression concurrentielle intense.
Un risque de concentration répercuté sur les utilisateurs finaux
Toutefois, la CMA met en garde contre le fait que "les partenariats et les entreprises intégrées ne doivent pas réduire la capacité des entreprises rivales à faire face à la concurrence, ni être utilisés pour isoler les entreprises puissantes de la concurrence". Promouvant le maintien de la diversité et du choix sur le marché pour se prémunir contre le risque de dépendance excessive à l'égard d'une poignée de grandes entreprises, le régulateur appelle à une concurrence loyale, ouverte et efficace à la fois de la part de challengers potentiels et entre elles.
Les enjeux sont par ailleurs trop importants pour ne pas s'en préoccuper. Les grands modèles de langage se multiplient à vitesse V tout comme leurs utilisations potentielles dans tous les secteurs de l'économie, allant de la finance, des soins de santé, de l'éducation et de la défense aux transports et au commerce de détail. Souhaitant lutter contre cette dynamique du "gagnant prend tout" qui a conduit à la montée en puissance d'un petit nombre de plateformes, Sarah Cardell a déclaré que la CMA est "déterminée à appliquer les leçons de l'histoire" à ce moment charnière de l'émergence d'une nouvelle technologie potentiellement transformatrice.
Trois points clé identifiés
En conclusion, les trois risques clés identifiés qui pourraient empêcher une concurrence "équitable, ouverte et efficace" sont les suivants. Les entreprises qui contrôlent les intrants essentiels au développement des modèles d'IA peuvent en restreindre l'accès pour se protéger de la concurrence.
Des opérateurs historiques puissants pourraient exploiter leur position sur des marchés tournés vers les consommateurs ou les entreprises pour fausser le choix des services de lesdits modèles et restreindre la concurrence au niveau du déploiement. Enfin, les partenariats impliquant des acteurs clés pourraient exacerber les positions de pouvoir de marché existantes tout au long de la chaîne de valeur.
La CMA enquête sur les fusions et investissements stratégiques dans le secteur
Sarah Cardell note que la CMA "surveille de très près les partenariats actuels et émergents". Elle utilise notamment ses pouvoirs de contrôle des fusions pour déterminer si, et dans quelles circonstances, ces types d'accords relèvent des règles sur les fusions et s'ils soulèvent des problèmes de concurrence, compte tenu notamment de la nature complexe et opaque de certains partenariats et accords. Elle remarque : "En intensifiant notre examen des fusions, nous espérons gagner en clarté, et cette clarté profitera également aux entreprises elles-mêmes".
En parallèle, rappelons que la CMA enquête d'ores et déjà sur le marché du cloud – qui pourrait inclure une évaluation de l'impact potentiel des modèles d'IA générative sur la concurrence dans les services de cloud – et examine le partenariat de Microsoft avec OpenAI pour comprendre comment il pourrait affecter la concurrence dans diverses parties de l'écosystème.
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