Bruxelles relance la bataille du net

A peine sortie, la réforme européenne des télécoms relance déjà la bataille des anciens et des modernes, telcos contre telcos et tous contre les géants du net.

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Bruxelles relance la bataille du net

Des réseaux pour l'industrie 4.0 : c'est clairement ce à quoi la Commission européenne veut arriver avec ses propositions pour une réforme du marché télécoms présentée le 14 septembre. La législation actuelle était adaptée pour les communications de "personne à personne", maintenant "il nous faudra des connections pour la télémédecine, les voitures autonomes, l'énergie et l'ensemble des données nécessaires à la production comme à l'industrie des loisirs où réside le potentiel de croissance européen", a commenté Günther Oettinger, le commissaire européen au numérique en présentant sa réforme.

Pour une société du gigabite

"Une société du Gigabite". Sous ce slogan, la réforme européenne a pour ambition de connecter au haut débit toutes les "villes et villages" d'Europe avant 2025. Elle propose au passage la création d'un fonds de 120 millions d'euros pour financer un wifi gratuit dans les lieux publics dans les communes, ainsi qu'un "service universel" minimum d'accès internet pour les plus démunis.

Pour connecter les zones "d'exclusion numérique", elle veut favoriser les co-investissements entre opérateurs. Côté carotte, les telcos qui investiront en premier auront davantage de garanties sur la pérennité de leurs investissements. Côté bâton, les régulateurs auront davantage de pouvoir pour rappeler à l'ordre ceux qui ne tiennent pas leurs engagements de couverture.

En France, l'Arcep ne va sans doute pas changer grand chose à ses pratiques, puisque c'est le système français de co-investissement qui a inspiré la Commission européenne. La Commission estime les besoins financiers pour l'ensemble des réseaux fixes et mobiles européens à 500 milliards d'euros. A politique inchangée, "il manquera 155 milliards", explique-t-elle.

La guerre des historiques et nouveaux entrants est relancée

Les opérateurs historiques sont plutôt contents du cadeau, qui relache en partie le carcant règlementaire. "La dérégulation des réseaux fibre, ouverts au co-investissement, peut réellement changer la donne pour améliorer les déploiements de la fibre auprès des citoyens", a d'ailleurs réagi le directeur exécutif d'Orange, Pierre Louette.

Autre son de cloche à Vodafone, en guerre ouverte avec Deutsche Telekom en Allemagne pour accéder directement aux consommateurs via la fibre optique et non par une montée en débit sur le cuivre. C'est la régulation sur l'accès aux infrastructures doit favoriser l'investissement dans la fibre "comme le montre l'exemple espagnol et portuguais", note Markus Reinisch, directeur des politique publique de Vodafone dans un communiqué.

Et tapant toujours un peu plus loin dans la fourmillière des "historiques", le groupe invite la Commission européenne à "encourager" la séparation des activités de réseaux et les services téléphoniques, sur le modèle de ce que fait le régulateur britannique pour British Telecom. Dans une avalanche de communiqués, les opérateurs européens ont déjà annoncé qu'ils partaient à l'assault du parlement européen pour modifier le projet de réforme.

Facebook ou Microsoft en ligne de mire

Les géants du net font également grise mine. La réforme prépare le terrain pour imposer des licences à Skype ou WhatsApp, avec au passage des obligations sur l'accès aux numéros d'urgence comme le 112. Le lobby des industries du net, DigitalEurope, a déjà annoncé lui aussi son intention d'en appeler aux europutés pour faire marche arrière. Il "est crucial d’examiner en détail quand et comment les applications de communication interpersonnelle devront être régulées", explique l’association qui représente entre autre Microsoft (propriétaire de Skype). "Les nouvelles règles doivent être proportionnées, techniquement faisables et soutenir l’innovation", précise-t-elle.

Côté consommateur, ce n'est pas non plus l'hymne à la joie. Les propositions de la Commission menace la neutralité du net en proposant un internet universel au rabais, estime Guillermo Beltrà, chef du service juridique du Bureau européen des consommateurs. Pour l'ONG AccessNow, le système de licence renie le principe d'"innovation sans autorisation" et sans "droit d’entrée" sur le net.

Plan d'action pour la 5G

Les États membres attendent aussi la Commission au tournant sur la question des fréquences. Bruxelles voudrait plus de coordination sur cet or noir des communications mobiles. Les capitales européennes ne veulent pas lacher leur souveraineté sur le sujet (ni les revenus sur les licences). Pour les convaincre de lâcher du lest, la Commission joue la carte des promesses de la 5G.

Elle annonce des écoles, des entreprises ou des administrations connectées à un débit de 1 GB/s (montant et descendant) et des voies de transports connectées en 5G en 2025. Dans la ligne de mire du commissaire Oettiger bien sûr : les voitures connectées chères à l'industrie allemande. Mais pas seulement.

L'idée sous-jacente du plan d'action européen pour la 5G est de mettre tous les acteurs de l'écosystème à la même table pour fixer les exigences et les objectifs, de la santé à l'énergie, en passant par la logistique et bien sûr les télécoms. Là aussi, la Commission n'est pas au bout de ses peine. Comme pour la réforme du copyright, l'autre feuilleton à rebondissements entre ses mains.

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