Character.ai abandonne le développement de modèles après son accord avec Google
Google a discrètement procédé à la réembauche de deux de ses chercheurs qui avaient fondé la start-up Character.ai ainsi qu'au recrutement de 20% de son personnel en août dernier. En retour, celle-ci récupère une enveloppe de 2,7 milliards de dollars pour rester à flot et procéder à une réorganisation de sa structure. Reste à savoir si les régulateurs s'intéresseront à cette opération.
Célia Séramour
Mis à jour
04 octobre 2024
C'est un mode opératoire que l'on redoute de voir : une grande entreprise qui conclut un accord avec une plus petite pour débaucher une partie de son personnel. Récemment, c'est la start-up Character.ai qui en a fait les frais. Cette dernière a développé une plateforme où il est possible de créer ou de simplement discuter avec des robots censés incarner des personnalités vivantes ou mortes, réelles ou fictives. Seulement voilà : ses fondateurs ont été débauchés par Google dans le cadre d'une transaction de 2,7 milliards de dollars, comme l'indique le Financial Times.
Basée à San Francisco, la start-up est née en plein boom de l'IA générative. Derrière elle, deux anciens de la firme de Mountain View : Daniel De Freitas et Noam Shazeer. Les deux hommes avaient précédemment quitté le géant de la tech après qu'il eut refusé de publier un chatbot alimenté par l'IA.
Noam Shazeer est également l'un des huit scientifiques de Google derrière l'article sur l'architecture "Transformer" pour le traitement du langage, qui a donné le coup d'envoi de la révolution de l'IA générative. En mars 2023, la société a même levé 150 millions de dollars auprès de prestigieux fonds de capital-risque de la Silicon Valley, comme Andreessen Horowitz. Un tour de table qui lui a permis de dépasser la barre symbolique du milliard de dollars de valorisation, un an et demi seulement après son lancement.
Un précédent accord a eu lieu cet été
Dans le cadre de l'accord avec Google, la firme a donc réembauché Noam Shazeer et Daniel De Freitas et a recruté 20% du personnel de Character.ai - ces derniers rejoignant sa branche IA DeepMind. Cela représente une trentaine d'employés. En sus, le géant a payé 2,7 milliards de dollars pour une licence unique sur les modèles de la start-up à date, sans accès aux technologies futures, selon des personnes au fait de l'opération.
Dominic Perella, le nouveau directeur général par intérim de la société depuis août dernier, espère que l'accord avec Google ne posera pas de problèmes antitrust, car il prévoit d'opérer sur le même marché. "Nous continuons à faire de la recherche sur l'IA", a-t-il déclaré. "Nous possédons toujours l'ensemble de notre technologie, nous avons presque tout notre personnel et nous continuons à nous développer".
Un risque de se faire rattraper par les régulateurs antitrust
Dans ce type d'affaire, le risque d'éveiller la curiosité des régulateurs n'est jamais très loin. Par le passé, nombre d'accords ont prouvé que certaines alliances étaient difficiles à créer, à l'instar de celle de Microsoft avec OpenAI, d'une valeur de 13 milliards de dollars. Plus récemment, une autre opération a crispé les autorités : l'accord de 650 millions de dollars conclu par Microsoft en mars pour embaucher le directeur d'Inflection, Mustafa Suleyman, et d'autres membres du personnel de la start-up.
L'autorité britannique de régulation de la concurrence a ainsi procédé à une enquête, qualifiant cela de "situation de fusion" avant de finir par abandonner ses recherches. Le régulateur européen, également attentif à cette opération, a fini par arrêter également suite à une décision de justice émanant de la Cour de Justice de l'UE. L'accord à 4 milliards de dollars entre Amazon et la start-up Anthropic a connu le même sort.
Quid de l'avenir de Character.ai ?
Avec les 2,7 milliards de dollars issus de la transaction avec Google, Character.ai a pris le parti de racheter les parts de ses investisseurs et réparti celles-ci entre les employés dans le cadre d'une coopérative, une "structure très unique et peut-être inédite dans la Silicon Valley", a déclaré Dominic Perella au FT. Ce dernier possède une participation inférieure à 10%. Le reste des fonds doit servir à faire tourner l'entreprise pendant 18 mois. Il n'est pas impossible qu'elle cherche à lever des fonds à nouveau et à conclure d'autres accords de licence.
Ses fondateurs - issus de Google - étaient la caution de l'entreprise. Sans eux, l'avenir de Character.ai pourrait être compromis. Une centaine d'employés restent à date : ils se concentreront sur l'amélioration des produits existants - les chatbots - plutôt que sur le développement de modèles d'IA. Dominic Perella a déclaré au Financial Times que la start-up avait largement abandonné la course aux LLM face à des concurrents mieux financés tels qu'OpenAI, soutenu par Microsoft, Amazon et Google.
Se concentrer sur un produit déjà fini plutôt que sur le développement de nouveaux modèles
"Il est devenu incroyablement coûteux d'entraîner des modèles "frontier", même avec un très gros budget de démarrage", a-t-il indiqué. La start-up revendique aujourd'hui une base d'utilisateurs actifs mensuels de 20 millions, qui a doublé d'une année sur l'autre, avec une base d'utilisateurs majoritairement plus jeunes, âgés de 13 à 25 ans.
Ses revenus proviennent majoritairement des abonnements. En parallèle, Character.ai vient d'annoncer le recrutement d'Erin Teague en tant que chef de produit. Cette dernière travaillait jusqu'alors chez Google en tant que chef de produit sur les modèles Gemini et sur YouTube.
Les géants de la tech écrasent la concurrence
Les Big Tech s'en prennent régulièrement aux plus petites entreprises, c'est un fait. Le risque, à l'heure où chacun essaie de développer son propre modèle d'IA générative, est de voir ces start-up et leurs solutions prises dans les mailles des filets lancés par Amazon, Apple, Google, Meta ou encore Microsoft. Ecraser la concurrence offrirait à ces derniers un boulevard pour dérouler leurs propres modèles et leur propre vision de l'IA générative. Character.ai avait par ailleurs déjà fait l'objet d'un intérêt de rachat, notamment de la part de Meta, sans qu'aucun accord ne soit finalement conclu.
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