Modèle "Consent or Pay" : Meta perd une manche face à la justice européenne
La justice européenne a refusé de répondre favorablement à la demande de Meta : annuler l'avis du Comité européen de la protection des données relatif à la validité du consentement dans le modèle publicitaire "Pay or Consent". L'entreprise s'est également vu refuser sa demande d'indemnisation.
Meta joue mais Meta perd. L'entreprise américaine est partie en croisade pour faire annuler l'avis du Comité européen de la protection des données (EDPB), un organe indépendant de l'Union européenne chargé de veiller à l'application uniforme du RGPD dans les Etats membres, relatif à la validité du consentement dans le modèle publicitaire "Pay or Consent".
Un choix "binaire" contesté
Dans cet avis non contraignant, rendu le 17 avril 2024, l'EDPB décidait que, dans la plupart des cas, il ne serait pas possible pour une grande plateforme en ligne de respecter les exigences relatives à la validité du consentement si elle se limite à offrir un choix "binaire" entre donner son consentement au traitement de ses données à des publicités et verser une rémunération pour pouvoir bénéficier du service concerné sans recevoir de la publicité comportementale.
L'entreprise américaine avait saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) demandant l'annulation de cet avis ainsi que le versement d'une indemnité pour le préjudice subi. Dans une décision rendue fin avril 2025, les deux prétentions ont été rejetées par le tribunal.
L'avis de l'EDPB n'est pas contraignant
Dans le détail, la CJUE considère, bien que l'avis exprime des recommandations, celles-ci ne sont pas juridiquement contraignantes en elles-mêmes. De plus, l'avis vise une question générale sur la validité du consentement dans les modèles "Consent or Pay" mais ne contraint pas les autorités nationales de contrôle à suivre ces recommandations. La procédure prévue par le RGPD distingue, en effet, clairement les avis non contraignants de ceux qui pourraient mener à une décision contraignante si nécessaire.
Sur le second point, à savoir la demande d'indemnisation, la Cour a jugé qu'aucun lien direct de cause à effet ne peut être établi entre l'avis attaqué et le préjudice allégué par Meta. En effet, l'avis rendu ne modifie en rien sa situation juridique. Le préjudice allégué repose sur des hypothèses qui relèvent de l'éventualité et de l'incertitude étant donné que la décision d’appliquer ou non la grille d’analyse de l’avis relève de la discrétion des autorités de contrôle, notamment de l’autorité irlandaise de protection des données, concluent les juges.
Ils ajoutent que l'argument de l'impact financier d'une réduction de ses revenus publicitaires et d'abonnement repose sur une interprétation erronée de l'avis attaqué. Ainsi, les risques financiers que la société envisage sont trop spéculatifs pour satisfaire à la condition d'un dommage réel et certain, nécessaire pour établir la responsabilité non contractuelle de l'Union.
Meta se voit obligé de changer ses pratiques publicitaires
L'origine de cette affaire remonte à juillet 2023, mois durant lequel deux décisions ont obligé Meta à changer de base légale pour traiter les données personnelles des utilisateurs de ses réseaux sociaux au sein de l'Union européenne. La Cour de justice de l'Union européenne a rendu un arrêt dans lequel elle a conclu que "la personnalisation de la publicité par laquelle est financé le réseau social en ligne Facebook ne saurait justifier, en tant qu'intérêt légitime poursuivi par Meta Platforms Ireland, le traitement de données en cause, en l'absence du consentement de la personne concernée".
Le même mois, la Datatilsynet, l'autorité norvégienne de protection des données, lui a interdit d'effectuer de la publicité ciblée sur une période allant du 4 août 2023 jusqu'au 3 novembre 2023. Les pratiques n'ayant pas été modifiées entre-temps, l'autorité a saisi le Comité européen à la protection des données pour qu'il prenne une décision contraignante. Son appel a été entendu : le Comité a sommé la Data Protection Commission (DPC), la Cnil irlandaise, d'interdire "le traitement des données personnelles à des fins de publicité comportementale sur les bases juridiques du contrat et de l'intérêt légitime".
Face à cette situation, Meta a changé de base légale en choisissant le consentement et a ainsi lancé son premier abonnement payant afin de bénéficier des services de Facebook et Instagram sans publicité ciblée. Quelques mois plus tard, en novembre 2024, face aux contestations, l'entreprise a annoncé une baisse de 40% du prix de ses abonnements.
Une amende de 200 millions d'euros
Ces pirouettes n'ont pas convaincu la Commission européenne qui a décidé, le 23 avril dernier, d'infliger une amende de 200 millions d'euros à l'encontre de Meta pour la violation du DMA. Elle a ainsi jugé que son système d'abonnement “ne donnait pas aux utilisateurs le choix spécifique requis pour opter pour un service utilisant moins de données personnelles”, et “ne permettait pas non plus aux utilisateurs d'exercer leur droit de consentir librement à l'association de leurs données personnelles".
Après des échanges avec l'exécutif bruxellois, Meta avait introduit un nouveau système utilisant moins de données personnelles. Ce dernier est actuellement évalué par la Commission européenne. La saga est donc loin d'être terminée.
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