Nvidia mise sur l’IA souveraine pour conquérir l’Europe
Jensen Huang ne se satisfait pas d’être le fournisseur de systèmes d’IA de rigueur des géants du cloud. Il pousse la vision de centres de calcul dans chaque pays et chaque entreprise. Une vision qui s’accorde particulièrement bien au besoin de souveraineté que ressent désespérément l’Europe face à la révolution de l’IA générative, dominée par les Etats-Unis.
Julien Bergounhoux
Nvidia ouvre ce 11 juin sa première GPU Technology Conference en France. Un retour en Europe depuis quelques années qui se justifie par la volonté de l’entreprise de Jensen Huang de capitaliser sur l’élan de souveraineté qui anime le Vieux continent. Nvidia dispose d’une réponse toute trouvée avec ses "AI Factories" et ses modèles d’IA dans des microservices containerisés NIMs, lancés il y a plus d’un an.
En effet, le roi des GPU ne veut pas se reposer uniquement sur les hyperscalers (Amazon, Microsoft, Google, Meta en tête), même s’ils sont dans les faits les principaux acheteurs de ses GPU de pointe. De la même manière qu’ils cherchent à diversifier leurs capacités avec des accélérateurs IA maison (comme les fameux TPU de Google) ou en s’adressant à AMD, Nvidia courtise les fournisseurs de cloud régionaux, les centres de calcul intensifs pour la recherche, et les data centers en propre des grandes entreprises.
Chaque pays doit se doter de ses propres "usines d’IA"
Pour séduire l’Europe, Nvidia déroule un discours bien rôdé : berceau de la première révolution industrielle, la seule chose qui manque au continent pour être en pointe sur la révolution de l’IA, ce sont des infrastructures. Des "usines d’IA", comme il y a eu par le passé des "usines d’électricité". Quinze de ces “AI Factories” sont en cours de construction en Europe, plus cinq "AI Gigafactories", d’après Nvidia.
De quoi garantir aussi la disponibilité de capacités de calcul souveraines, nonobstant le fait que Nvidia est une entreprise de droit américain et qu’elle dispose aujourd’hui d’un monopole de facto en matière de calcul pour l’intelligence artificielle dans le data center.
Mistral AI, client privilégié en France
En France, c’est la pépite Mistral AI qui tire évidemment les efforts vers l’avant. Nvidia va lui fournir 18 000 systèmes Grace Blackwell lors d’une première phase de déploiement cette année, suivie d’une expansion sur plusieurs sites en 2026. De quoi rester dans la course à l’agentique face aux américains. Orange Business n’est pas en reste et développe ses propres offres IA agentiques tournant sur Cloud Avenue. Les modèles de Mistral (ouverts et propriétaires) seront aussi désormais disponibles sous forme de NIMs pour des déploiements simplifiés en entreprise, et Nvidia en a même fait des versions optimisées "Nemotron".
Au Royaume-Uni, les fournisseurs de cloud Nebius et Nscale ont annoncé leur volonté de déployer 14 000 GPU Blackwell dans leurs data centers. En Allemagne, Deutsche Telekom va mettre au point le premier "cloud IA industriel", qui sera équipé de 10 000 GPU, dont des serveurs DGX B200 et RTX Pro. Siemens va également étendre son partenariat avec Nvidia, à la fois pour la CAO et la digitalisation des usines.
En Italie, Domyn développe un modèle de raisonnement souverain sur son supercalculateur Colosseum, qui est équipé de cartes Grace Blackwell. Les opérateurs télécom Telefónica, Swisscom et Telenor y vont aussi de leurs propres efforts dans d’autres pays de l’Union. Emmanuel Macron s’est félicité de ces annonces pour la France, tout comme des représentants gouvernementaux des autres pays impliqués.
3000 exaflops d’IA souveraine
Nvidia estime que tous ces déploiements totaliseront 3000 exaflops de capacités de calcul souveraines pour l’IA. Elle anticipe 300% de croissance pour ces infrastructures entre 2024 et 2026 sur la zone Europe. Qu’est-ce qui distingue ces data centers d’IA "souverains" de l’offre de Nvidia à destination des grandes entreprises ? Essentiellement la localisation régionale, reconnaît un porte-parole, et l’accent mis sur la conformité réglementaire, la sécurité et le respect de la protection des données.
L’américain va par ailleurs installer ou étendre de nouveaux centres technologiques en Allemagne, Suède, Italie, Espagne, Royaume-Uni et Finlande pour y renforcer sa présence auprès du milieu académique et des industriels. De quoi anticiper encore un peu plus la prochaine vague après l’agentique : la résurgence de la robotique et l’arrivée de robots humanoïdes polyvalents.
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