Yandex, Group-IB, Kaspersky : comment ces fleurons russes ont réagi à la guerre de Poutine

Un an après l’invasion russe en Ukraine, quel est l’impact de la guerre sur les fleurons de la tech russe ? Réponse avec un focus sur trois entreprises : Yandex, Group-IB et Kaspersky.

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Yandex, Group-IB, Kaspersky : comment ces fleurons russes ont réagi à la guerre de Poutine

C’était d’abord un moteur de recherche osant tailler des croupières à Google, une entreprise de la cybersécurité aux analyses pointues et un antivirus efficace lancé par un ingénieur sympathique. La guerre en Ukraine a obligé Yandex, Group-IB, et Kaspersky, comme pour la plupart des entreprises russes de la tech, à revoir leur stratégie. Revue des choix faits depuis un an par ces trois fleurons.

La fin du Google russe

Qu’il est loin le temps où Yandex était synonyme d’entreprise la plus cool de Russie ! Certes, elle vient d'annoncer un important bond (+46%) de ses revenus en 2022 (521,7 milliards de roubles, soit 6,5 milliards d’euros), profitant du départ de son concurrent Google. Mais, comme le précise l’entreprise, sa visibilité à court et moyen terme reste "limitée". "Les tensions géopolitiques actuelles et leur impact sur l'économie russe et mondiale ont créé un environnement exceptionnellement difficile", résume l’entreprise.

Dernière catastrophe en date à avoir touché Yandex: son moteur de recherche a été victime d’une importante fuite de données à la fin janvier. L’entreprise a minimisé l’incident, notant que des portions de code publié étaient soit obsolètes ou pas vraiment utilisées. Les spécialistes du référencement avaient pourtant trouvé dans le fatras des près de 45 gigaoctets d’informations volées près de 2000 critères de pertinence utilisés par le moteur de recherche, une partie sensible de son savoir-faire.

Mais quelque soit l’ampleur de la fuite, l’étoile de Yandex a déjà singulièrement pâlit. La société a déjà dû revendre son fil d’actualité et sa page d'accueil à son rival VK. "Yandex n’est plus le ‘Google russe’, observe la doctorante en géopolitique Marie-Gabrielle Bertran, une spécialiste du développement logiciel en Russie. Car c’est la diversité de ces projets qui faisait sa force: son traitement de l’information de masse lui fournissait par exemple une matière première intéressante pour plancher sur des projets d’intelligence artificielle."

Une restructuration qui n’est sans doute pas finie. Le Financial Times avait évoqué à la fin novembre un plan visant à un découplage partiel des activités russes et internationales de l’entreprise.

La fuite des cerveaux ?

Une stratégie qu’a déjà suivie Group-IB. L’entreprise de cybersécurité, spécialisée dans le renseignement sur les menaces, était déjà basée à Singapour depuis 2019. Mais en juillet 2022, elle a coupé encore un peu plus le cordon avec la Russie en séparant ses activités internationales et russes, désormais logées dans deux structures indépendantes. Un mouvement visiblement accéléré par la guerre en Ukraine mais qui devait être dans les cartons depuis plusieurs mois après un fait-divers inattendu. Son ancien PDG, Ilya Sachkov, a en effet été arrêté à Moscou en septembre 2021 pour haute trahison. Il est toujours détenu près de 18 mois plus tard.

Mais si vous avez entendu parler récemment de l’entreprise, c’est sans doute sur de tout autres sujets. L’entité internationale, qui collabore avec Interpol et Europol, s’est ainsi montrée très active sur son cœur de métier, la lutte contre le cybercrime. Ces derniers mois, elle a ainsi publié avec le centre de réponse à incident de l’opérateur Orange un rapport sur des cybercriminels qui visent l’Afrique, ou encore une étude sur Dark Pink, un groupe de hackers visant des agences militaires en Asie et en Europe.

"En creux, cela montre que l’entreprise a des clients sensibles en Asie, puisqu’elle a des données à analyser", signe d’une réussite commerciale, remarque Marie-Gabrielle Bertran. "Les rapports publiés par l’entité internationale semblent d’ailleurs plus intéressants que ceux publiés par la branche russe", ajoute-t-elle également. Donnant l’impression, suggère la doctorante en géopolitique, que les experts de l’entreprise ont voté avec leurs pieds en quittant la Russie pour rejoindre les centres de recherches répartis entre Amsterdam, Dubaï, Hanoï, Kuala Lumpur et Singapour.

Nouvelle tempête pour Kaspersky

Certes, ce n’est pas la première tempête, mais ça tangue fort. En 2017, le très célèbre éditeur d’antivirus Kaspersky avait dû faire face à de graves accusations d’espionnage aux Etats-Unis. En réponse, l’entreprise, qui a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires de 752 millions de dollars, avait ouvert plusieurs centres de transparence pour montrer patte blanche. Mais cinq ans plus tard, la guerre en Ukraine a de nouveau rebattu les cartes, notamment en France, où l’entreprise avait réalisé un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros en 2021.

Même si l’Anssi n’a pas appelé les organisations à remplacer leurs produits Kaspersky, comme le BSI, son homologue allemande, le cyber pompier français avait recommandé une “stratégie de diversification” à moyen terme. Et un mois plus tard, en avril, l’entreprise était touchée par le cinquième train de sanctions européennes, qui écarte de certains marchés publics les sociétés détenues par des Russes.

Résultat: "on a perdu un certain nombre de clients historiques", regrette Bertrand Trastour, le directeur général de Kaspersky pour la France et l'Afrique du Nord, de l'Ouest et du Centre. "Même si on sait que leurs clients ont un attachement fort à la marque, cela a crée des opportunités à l’occasion du renouvellement du contrat de prestation", observe un concurrent.

Pour faire face à la crise, Kaspersky mise d’abord sur une logique de diversification de l’offre en proposant, au-delà de l’antivirus, des services autour du renseignement sur les menaces. Et alors que l’entreprise espère une stabilité de ses activités en France, elle table désormais sur une croissance à deux chiffres dans les trois ans sur son périmètre africain, un territoire qui doit être son vecteur de croissance.

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