L'UE traîne des pieds en matière d'investissements dans l'IA selon la Cour des comptes européenne

Peut mieux faire. C'est, en quelques mots, le résumé du rapport de la Cour des comptes européenne relatif aux investissements de l'UE dans l'intelligence artificielle. Sont notamment pointés du doigt les résultats des projets financés par l'UE dans le secteur qui ne font pas l'objet d'un suivi systématique et le manque d'outils de gouvernance qui mène à une coordinations inefficace entre l'UE et les 27.

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L'UE traîne des pieds en matière d'investissements dans l'IA selon la Cour des comptes européenne
Les 27 Etats membres et l'UE doivent se ressaisir pour rester dans la course à l'intelligence artificielle.

L'intelligence artificielle fait partie des technologies dont l'Europe doit s'emparer de toute urgence si elle souhaite rester une zone économique attractive et garder le caractère souverain qui lui est cher. Pourtant, le rapport spécial publié par la Cour des comptes européenne (CCE) est sans appel. Intitulé L’UE face au défi de l’intelligence artificielle – Pas de progrès possibles sans une gouvernance renforcée et sans investissements plus importants et mieux ciblés, le rapport indique que l'Union européenne peine à développer l’écosystème européen d’intelligence artificielle et n’a pas réussi à doper suffisamment les investissements dans le domaine de l’IA pour faire jeu égal avec les leaders mondiaux du secteur.

Pourtant, depuis 2018, la Commission européenne a pris de nombreuses mesures et travaillé sur les maillons essentiels au développement d’un écosystème d’IA à l’échelle de l’Union, comme la réglementation, les infrastructures, la recherche et l’investissement. Et si les risques liés à l’IA, ont été scrutés à la loupe, l'UE a raté le coche, coordonnant mal ses mesures avec celles des États membres, et les investissements n’ont pas fait l’objet d’un suivi systématique. La Cour des comptes préconise donc de renforcer la gouvernance mais aussi d'accroître et de cibler au mieux les investissements publics et privés.

La course aux investissements doit se faire d'une seule voix

Selon Mihails Kozlovs, membre de la Cour responsable de l’audit, l'avenir de l'UE en matière d'IA est tout tracé : "Dans la course à l’IA, il y a fort à parier que le gagnant raflera toute la mise. Si l’UE veut gagner son pari, la Commission européenne et les États membres doivent unir leurs forces de manière plus efficace, accélérer la cadence et libérer le potentiel de l’Union pour réussir cette révolution technologique majeure qui est en cours".

L'UE doit reprendre son souffle et se reconcentrer sur ses objectifs. Depuis 2015, les investissements en capital-risque sont inférieurs à ceux des États-Unis et de la Chine, les deux autres régions du monde à la pointe dans ce secteur, pointe du doigt le rapport. "On estime que sur le plan de l’investissement global dans le domaine de l’IA, l’écart entre les États-Unis et l’UE a plus que doublé entre 2018 et 2020, l’Europe accusant un retard de plus de 10 milliards d’euros". Si des plans pour l'IA ont ensuite été adoptés, cinq ans plus tard, le chantier est loin d'être terminé. Les auditeurs pointent du doigt la coordination de la Commission avec les États membres, qui n’a eu que "peu d’effets".

Le manque de fonds publics n'incite pas à l'investissement privé

Ainsi, les objectifs de l’UE en matière d’investissements privés et publics dans l’IA étaient de 20 milliards d’euros au total pour la période 2018-2020 et de 20 milliards d’euros par an au cours de la décennie suivante. La Commission s’est engagée à porter les investissements financés par l’UE dans la recherche et l’innovation à 1,5 milliard d’euros pour la période 2018-2020 et à 1 milliard d’euros par an de 2021 à 2027. La part des entreprises de l’UE utilisant l’IA varie considérablement d’un État membre à l’autre. La France et l’Allemagne, en élèves modèles, sont les pays qui ont annoncé les investissements publics les plus conséquents dans ce secteur, tandis que quatre autres pays ne disposent toujours d’aucune stratégie en la matière.

Et si l’UE poursuit l’objectif ambitieux de faire en sorte que 75% de ses entreprises utilisent l’IA d’ici à 2030, le chemin est encore long. En 2021, moins de 4% des demandes de brevet déposées dans le monde provenaient d’Europe et d’Asie centrale.

Les Etats-Unis et la Chine en tête de course

Par comparaison, les deux pays considérés comme leaders du marché écrasent l'UE. Le rapport AI Index dévoilé par Stanford cette année montre qu'un total de 67,2 milliards de dollars a été investi dans l'IA aux États-Unis sur l'année 2023 tandis que la Chine a investi 7,76 milliards de dollars (soit près de neuf fois moins que le pays de l'oncle Sam). Des chiffres qui restent néanmoins largement au-dessus de ceux du groupe des 27.

"Par comparaison avec des plans similaires aux États-Unis et au Royaume-Uni, ainsi qu’avec les recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques, les plans de l’UE pour l’IA étaient complets", fustige le rapport. Récemment, le Sénat américain s'est exprimé sur l'avenir de l'IA et le développement de cette technologie aux Etats-Unis, estimant que 32 milliards de dollars par an sont nécessaires pour soutenir l'innovation. Un chiffre bien loin des engagements financiers pris par l'UE.

Une Europe qui manque de crédibilité

Les dépenses budgétaires de l’UE consacrées aux projets de recherche dans le domaine de l’IA ont, ainsi certes, augmenté, mais n'ont pas réussi à donner de réel coup d’accélérateur au cofinancement privé. Et les résultats ne sont pas à la hauteur pour être commercialisés ou exploités. Le rapport explique plus loin que la crédibilité des plans de l’UE a aussi souffert du fait que la Commission européenne n’avait pas mis en place de système approprié de suivi de l’efficacité des investissements dans l’IA.

"Qui plus est, les modalités de la contribution des États membres aux objectifs d’investissement globaux de l’UE n’étaient pas claires, ce qui s’est traduit par une absence totale de vue d’ensemble à l’échelle européenne". Lesdits objectifs sont qualifiés "de trop vagues et obsolètes (ils n’ont pas changé depuis 2018)" et leur manque d’ambition contraste avec l’objectif de création d’un écosystème d’IA compétitif au niveau mondial. Le rapport s'est également penché sur les mesures prises récemment par l’UE pour bâtir un marché unique des données et estime qu'elles "n’en sont encore qu’à leurs débuts et ne permettent pas, pour l’instant, de stimuler les investissements dans l’IA".

La Commission doit se ressaisir

Sur la base de ces constatations, la Cour des comptes pousse plusieurs recommandations à la Commission. Cela inclut notamment de réévaluer l’objectif d’investissement de l’UE en faveur de l’IA et de convenir avec les États membres des modalités de leur contribution, et d’évaluer le besoin d’un instrument de soutien en capital financé par l’UE axé sur les PME innovantes dans le domaine de l’IA. La problématique de la coordination est également évoquée, un trait qui fait aujourd'hui défaut à l'UE et aux infrastructures d'IA qu'elle finance.

Les auditeurs notent également le besoin de marquer les dépenses en faveur de la recherche et de l’innovation dans le domaine de l’IA dans l’ensemble du budget de l’UE, de définir des objectifs et des indicateurs de performance et de suivre régulièrement les progrès réalisés. Enfin, il est recommandé d'intensifier l'action de soutien à l’exploitation des résultats de la recherche dans le domaine de l’IA financée par l’UE.

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