Le Français Withings lève 53 millions d'euros pour devenir fournisseur de données de santé aux Etats-Unis
Withings veut s'attaquer au marché américain des données de santé en devenant le fournisseur officiel des entreprises spécialisées dans le suivi des maladies chroniques. Pour réussir ce pivot, l'entreprise française, surtout connue jusqu'ici pour ses objets connectés, lève 53 millions d'euros.
Withings, start-up française spécialisée dans les objets connectés médicaux, annonce le 28 juillet avoir levé 53 millions d'euros. Le tour de table a été mené par le fonds Gilde Healthcare, Idinvest Partners, Bpifrance, BNP Paribas Développement, Oddo BHF et Adélie Capital.
Exit le marché du bien-être
"Nous voulons développer une nouvelle génération de dispositifs connectés médicaux", annonce d'emblée Mathieu Letombe, contacté par L'Usine Digitale. Le CEO de Withings refuse d'en dire davantage sur ces futurs produits dont la date de commercialisation n'est pas encore connue. Fondée en 2008, la jeune pousse s'est spécialisée dans la conception d'objets connectés dédiés à la santé et au bien-être avec une gamme allant du pèse-personne connecté au capteur pour l'apnée du sommeil.
Mais Withings ne veut plus s'adresser au marché du bien-être mais uniquement à celui de la santé connectée. "Aujourd'hui, nous ne développons plus que des fonctionnalités médicales", explique le directeur général qui donne comme exemple la fonction "électrocardiogramme" présente sur toutes les montres connectées. Elle permet de mesurer l'activité électrique du cœur.
La fabrication en France ou en Europe n'est pas une priorité pour Withings, indique le CEO qui précise tout de même qu'une chaine de production de montre connectée a été installée dans les locaux de la jeune pousse en guise de test. "La fabrication en Chine ne doit pas être comprise qu'en termes financiers, précise Mathieu Letombe. Il y a également une expertise incroyable grâce à d'excellents ingénieurs dans ce pays."
Conquérir le marché américain des données de santé
Mais le principal objectif pour Withings n'est pas la conception de nouveaux produits adressés au marché B2C. Le spécialiste de la santé connectée veut désormais conquérir le marché américain des données de santé "complètement ouvert", d'après les dires de Mathieu Letombe. Cette volonté fait partie de la nouvelle direction prise suite à la vente puis au rachat de l'entreprise au Finlandais Nokia, intervenu en mai 2018.
Le CEO rappelle qu'aux Etats-Unis, 150 millions de personnes sont touchées par une maladie chronique (obésité, diabète, maladies digestives..). Autant de personnes qui doivent se faire suivre régulièrement pour éviter des complications liées à leur affection. "Ce pays est confronté aux limites de la médecine traditionnelle pour traiter ces patients, raconte Mathieu Letombe. Par conséquent, il y a une explosion des programmes de prévention et de suivi pour les malades chroniques." Et pour fonctionner, ces programmes impliquent l'exploitation d'importantes quantités de données médicales.
Les données vont-elles être vendues ?
"Nous sommes apparus comme un acteur intéressant car nous avons une grosse empreinte dans le consumer, poursuit le CEO. Nous avons été contactés à de multiples reprises et nous commençons à travailler avec les entreprises qui développent ces programmes." Il reste néanmoins lacunaire sur le business model de cette nouvelle activité : les données médicales vont-elles être revendues à ces programmes ? Le partage d'informations est toujours précédé du consentement de l'utilisateur, répond simplement Mathieu Letombe.
Et pourquoi pas s'adresser au marché français ? "Il est encore en décalage par rapport aux Etats-Unis qui surinvestissent sur cette question. Nous serons là dans un ou deux ans", confie Mathieu Letombe. Ce choix n'est absolument pas guidé par la législation particulièrement protectrice des données de santé encadrées par le Règlement général sur la protection des données (RGPD), promet-il. D'après le CEO, "sur les données de santé, la réglementation est la même aux Etats-Unis en Europe." Une affirmation à relativiser.
La loi américaine moins protectrice que le RGPD
C'est le Health Insurance Portability and Accountability Act (HIPAA) qui règlemente depuis 1996 les données de santé au niveau fédéral. Certains Etats, dont la Californie, ont adopté leur propre législation sur le sujet. L'HIPAA et le RGPD sont assez proches : ils reposent sur un principe commun d'interdiction assorti d'exceptions. Mais l'HIPAA autorise plus de dérogations que le RGPD. Les grandes entreprises technologiques en profitent d'ailleurs largement.
Fin octobre 2019, le Wall Street Journal révélait que Google avait rassemblé plusieurs millions de dossiers de patients américains de 21 Etat, sans leur consentement, grâce à une collaboration avec le réseau de santé Ascension. L'objectif était de créer un moteur de recherche de patient en ligne. Une enquête a été ouverte par le Bureau des droits civiques pour s'assurer de la conformité de cette pratique avec l'HIPAA. La firme de Mountain View assure être en conformité car cette loi autorise les hôpitaux à partager les informations des patients, sans obtenir leur consentement, à des partenaires à condition que ce soit pour "les aider à remplir leur fonction de soin".
Pour "augmenter sa capacité à répondre à ce nouveau marché", Withings met en place un plan de recrutement de 100 personnes d'ici la fin de l'année. L'objectif est de créer de nouvelles équipes commerciales aux Etats-Unis et d'embaucher des ingénieurs en France pour "continuer à développer une nouvelle génération de produits", indique le CEO.
Ne pas oublier l'ADN de Withings
Enfin, Mathieu Letombe explique que ces changements ne doivent pas faire oublier "l'ADN de Withings" qui est de "concevoir des produits que les gens ont envie d'utiliser grâce à une expérience utilisateur parfaite". Un pari déjà réussi, selon le directeur général qui note que 50 % des pèse-personnes connectés vendues il y a 10 ans sont encore utilisées. "Notre objectif est d'augmenter la profondeur des données médicales et les rendre accessibles à tous. Les acteurs du monde la santé feront le reste du travail", conclut-il.
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