IDEF 2016 : L'industrie française du jeu vidéo dans le flou sur le dématérialisé et divisée sur la VR
L'industrie française du jeu vidéo est réunie pour sa conférence annuelle, l'IDEF. L'occasion de partager les chiffres du marché et de vanter sa bonne santé. Mais ces chiffres cachent un flou encore trop grand autour des ventes dématérialisées, qu'elles soient sur smartphones ou PC. Le même flou règne sur l'impact qu'aura la réalité virtuelle sur le secteur, d'autant que l'industrie reste encore partagée sur son avenir.
Julien Bergounhoux
Du 27 au 29 juin se déroule à Juan les Pins l'Interactive Digital Entertainment Festival (IDEF), la conférence annuelle du syndicat des éditeurs de logiciels de loisir (SELL). Si tous les grands acteurs du marché français y sont présents pour mettre en avant la vivacité et la force de l'industrie (notamment via la publication d'une étude du marché menée par l'institut GfK), l'IDEF prend cette année plus l'aspect d'une rencontre d'affaires que d'un festival. "Nous avons préféré concentré l'aspect grand public sur la Paris Games Week et rationaliser l'IDEF, qui est surtout l'occasion pour l'industrie de se retrouver," confiait Jean-Claude Ghinozzi, président du SELL. Exit les stands donc, remplacés par quelques démos des grands éditeurs (Sony, Microsoft, Ubisoft...) toutes droit venues de l'E3.
Un marché mobile qui reste très flou
La conférence d'ouverture était l'occasion de présenter l'Essentiel du Jeu Vidéo (disponible en fin d'article), qui fait le point sur l'industrie vidéoludique française au premier semestre 2016. Sans surprise, les chiffres sont bons. Le marché français a doublé de taille en 10 ans, et la part de la population s'adonnant aux jeux vidéo est passée de 20% en 2000 à 53% en 2015. Il totalise 1140 millions d'euros en 2016 jusqu'ici (à fin de semaine 22), soit 4% de croissance par rapport à la même période en 2015. Ces revenus sont générés à 60% par les consoles (690 millions d'euros), à 30% par l'écosystème PC (338 millions d'euros), et à seulement 10% par les mobiles (112 millions d'euros).
Cette proportion n'est cependant qu'une estimation, car ni le SELL ni GfK ne disposent pour le moment des chiffres exacts provenant des plateformes iOS, Google Play ou Amazon. Une situation qui "devrait changer d'ici à 12 mois," d'après Jean-Claude Ghinozzi, président du SELL. Pour le moment, GfK se contente d'extrapoler par rapport à l'évolution du marché musical sur iTunes, auquel il a accès. Autre faiblesse : les achats "in-app" (à l'intérieur même de l'application) ne sont pas non plus comptabilisés, alors qu'ils représentent une part importante (voire certainement majoritaire) des revenus des jeux mobiles, où le modèle économique freemium règne en roi.
marché PC : Le hardware compte... mais pas les ventes sur Steam
Autre changement, le SELL et GfK ont décidé de prendre en compte les ventes de hardware PC dans leurs chiffres (une évolution rétroactivement appliqués aux chiffres 2015 pour les comparaisons). Ils reconnaissent qu'un nombre non négligeable de ventes de PC sont dédiées principalement au jeu (seuls sont inclus les ordinateurs équipés de cartes graphiques suffisamment puissantes). Ils sont aidés en cela par les grands constructeurs (HP, Lenovo, Dell, etc.), qui ont décidé d'offrir de vraies offres gamers. Les aficionados qui montent leurs PC eux-mêmes sont trop durs à traquer, mais les fabricants ont une vision solide des ventes.
L'étude point du doigt une croissance de 11,4% qui serait principalement tirée par l'achat de nouvelles machines (dont le prix moyen dépasse les 1000 euros). Le hardware représenterait d'ailleurs 46% du chiffre d'affaires global de l'écosystème PC, soit plus que les jeux eux-mêmes (45% du marché, les accessoires complétant le tableau avec 9%). Une situation inédite par rapport au marché console (le hardware n'étant pas comptabilisé pour l'écosystème mobile). Sauf que là-aussi, les ventes dématérialisées provenant de Steam (ou d'autres plateformes de vente en ligne comme GOG.com) ne sont pas prises en compte car elles ne sont pas connues, et ce alors même qu'une étude sur les comportements des joueurs montrent que les achats de jeux PC connaissent un pic important en juin... date des grandes soldes de Steam. Un phénomène unique à cet écosystème. Là aussi les choses devraient évoluer d'ici à 12 mois selon Jean-Claude Ghinozzi, car des accords sont en train d'être mis en place directement avec les éditeurs pour pouvoir prendre ces chiffres en compte.
La réalité virtuelle ne fait pas l'unanimité
Pas de visibilité en revanche sur le marché de la réalité virtuelle, qui démarre doucement suite aux pénuries de l'Oculus Rift et dont les ventes, principalement faites par vente directe sur Internet, sont inconnues du SELL. Le syndicat se veut enthousiaste mais reste précautionneux. D'autant que tous les éditeurs ne sont pas d'accord sur son importance. Sony mise beaucoup dessus avec le PlayStation VR, et son implication (ainsi que celle d'Oculus sur PC) motive le reste de l'industrie, comme on a pu le voir à l'E3. Activision-Blizzard, premier éditeur mondial, nous a d'ailleurs laissé entendre que ses studios travaillent sur des projets non annoncés en la matière.
En comparaison, Microsoft, qui ne dispose pour l'instant d'aucune offre sur ce segment, se montre sans surprise dubitatif quant à son potentiel. Son directeur France, Hugues Ouvrard, préfère mettre l'accent sur la triple offre Xbox One (Xbox One, Xbox One S et le projet Scorpio) annoncée à l'E3, qui "correspond à trois niveaux de budgets mais ne constitue pas un changement de génération de console, car les jeux et accessoires seront compatibles entre les trois consoles." Pour lui, le vrai potentiel de Scorpio est "le décloisonnement des jeux", rendu possible par la stratégie d'applications universelles de Microsoft (un même jeu acheté une seule fois sera jouable sur Xbox et PC). Reste à voir si la sortie de Scorpio et d'éventuels partenariats (avec Oculus ? HTC ?) changeront ce discours.
Ubisoft, qui s'est vite intéressé à la VR (avec les titres Eagle Flight ou Star Trek: Bridge Crew), se veut plus optimiste. "Il y a toujours des sceptiques, explique un responsable. Mais l'important c'est d'apprendre tôt ces nouvelles technologies, et de créer de vraies expériences de gameplay."
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