Menaces de scission ou conciliation ? La Commission européenne hésite sur l'attitude à adopter vis-à-vis de Google
Des voix s'élèvent pour demander à la nouvelle Commission européenne d'accentuer la pression sur Google, contre qui une procédure pour "abus de position dominante" avait été ouverte en 2010. La menace d'une scission du géant américain pourrait même être brandie. La nouvelle Commissaire européenne à la concurrence se donne quelques semaines pour s'approprier ce dossier sensible.
Après l'ère du "good cop" Almunia, qui estimait que les propositions de Google étaient suffisantes (et même "sans précédent") pour "remédier aux problèmes" d'abus de position dominante du géant américain, voici peut-être venue l'ère de la "bad cop" Vestager. La nouvelle Commissaire européenne à la Concurrence, qui a pris ses fonctions le 1er novembre, pourrait s'avérer moins conciliante avec l'entreprise américaine que son prédécesseur, et lui demander de nouveaux engagements.
Elle avait annoncé la couleur lors de son "grand oral" précédant sa nomination, le 2 octobre. "Nous avons rassemblé les plaintes d'un grand nombre de concurrents et nous continuons à découvrir de nouvelles facettes du problème. Je ne vais pas me perdre dans les détails aujourd'hui, mais afin de mettre la loi en œuvre efficacement, nous devons nous montrer aussi durs que ce que peuvent être les entreprises. Nous ne pouvons pas continuer à enchaîner enquête après enquête", avait-elle alors commenté. Il faut dire que peu de concessions ont été obtenues en quatre ans de procédure et un an et demi de négociations entre Bruxelles et Google, tout au plus quelques aménagements cosmétiques de la présentation des résultats de recherche (qui n'ont pas encore été tous mis en œuvre).
la menace d'une scission, une arme politique
Alors faut-il être "aussi dur que les entreprises" au point de d'obliger Google à séparer de son activité "Search" de ses autres divisions, pour éviter qu'il ne fasse la promotion de ses multiples services sur son ultra-dominant moteur de recherche ? Joaquin Almunia avait toujours écarté cette hypothèse. L'Espagnol voulait même clore la procédure menée contre Google avant de quitter son siège cet automne, ce dont l'ont dissuadé la France et l'Allemagne et de nombreux acteurs du marché. Aujourd'hui, le vent a tourné. De nouvelles enquêtes sur la domination d'Android, de YouTube et d'autres services de Google pourraient même être ouvertes et le nouveau Parlement européen semble pousser pour davantage de sévérité à l'égard de Google.
C'est le sens d'une motion qui devrait être discutée le 27 novembre, et qui pourrait recueillir la majorité des voix. Même si Google n'est pas directement cité, c'est bien lui qui est visé par ce texte qui prévoit "la dissociation des moteurs de recherche des autres services commerciaux" de géants dominant le marché. Même si cette proposition est votée, elle n'aura qu'une valeur symbolique : le Parlement n'a pas le pouvoir de décider du démantèlement d'une société. En revanche, la Commission peut s'emparer de cette question : un vote positif sera donc un message envoyé à la nouvelle commissaire à la Concurrence, qui est justement en pleine réflexion sur la suite donnée à l'enquête ouverte contre Google en 2010.
conciliation ou menaces, quelle efficacité ?
Poussée par les élus du Parlement et les dirigeants français et allemands, la danoise Margrethe Vestager est tentée de troquer le pragmatisme à la Almunia, qui se serait volontiers contenté d'un accord imparfait mais aux conséquences concrètes et rapides, pour un bras de fer plus politique et flamboyant, mais aux retombées incertaines et lointaines.
Quatre ans d'enquête sur Google, c'est peu comparés aux 16 ans d'investigations menées sur Microsoft, alors que les enjeux sont encore plus complexes pour la firme de Mountain View que celle de Redmond. Et Bruxelles devra prouver que Google "enferme" techniquement les consommateurs dans son écosystème comme avait pu le faire Microsoft avec Windows, ce qui sera plus difficile à démontrer.
Le feuilleton s'annonce donc long et complexe dans un monde où les géants du Net ont plusieurs coups d'avance, de par l'évolution des techniques et leur poids économique. Les éditeurs de presse allemands ont bien compris que la fermeté ne suffisait pas : leur fronde anti-Google n'a duré que deux semaines, leur déréférencement faisant chuter dramatiquement l'audience de leurs sites… Pas sûr, donc, que le bâton soit plus efficace que la carotte dans ce dossier.
Sylvain Arnulf
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