Le flou demeure autour du projet de détecteur de mensonges pour le contrôle des frontières européennes
C'est une nouvelle fois que la justice européenne bloque l'accès à certains documents sur le projet de détecteur de mensonges basé sur l'IA pour contrôler les frontières européennes, baptisé "iBorderCtrl". Saisie par l'eurodéputé allemand Patrick Breyer, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que les obligations de publications des résultats suffisaient à répondre aux exigences de transparence.
La Cour de justice de l'Union européenne a rejeté une demande d'accès à des informations relatives au projet controversé "iBorderCtrl : Intelligent Portable Border Control System" formulée par l'eurodéputé vert Patrick Breyer dans une décision rendue le 7 septembre. "Au service des intérêts privés, l'UE continue de financer le développement et les tests de technologies qui violent les droits fondamentaux et contraires à l'éthique", a réagi le requérant.
Financé par des fonds publics
Financée par des fonds publics, cette initiative vise à développer des technologies pour accélérer et fluidifier le contrôle aux frontières extérieures de l'Union européenne. Elle consiste notamment à développer une sorte de détecteur de mensonges reposant sur un système d'apprentissage automatique capable de discerner parmi 38 "micromouvements" les déclarations mensongères d'un voyageur, d'après le site internet consacré au projet. Si ses réponses sont considérées comme véridiques, il se verra remettre un code l'autorisant à passer la frontière. Dans le cas contraire, il sera redirigé vers des gardes-frontières physiques pour un examen approfondi de son dossier.
Le fonctionnement exact de cette technologie – encore au stade de développement – reste flou. C'est pour cette raison que l'eurodéputé allemand souhaitait accéder à davantage d'informations. L'Agence exécutive européenne pour la recherche (REA), un organisme de financement qui gère les subventions de recherche de l'UE, lui a refusé l'accès aux informations demandées pour préserver la vie privée des personnes impliquées dans le projet et protéger les intérêts commerciaux des participants. De son côté, le tribunal de l'Union européenne, saisi en annulation, ne lui a accordé qu'un accès partiel à une première série de documents.
L'intérêt public versus les intérêts commerciaux
Le requérant s'est donc adressé à la Cour de justice estimant que le tribunal avait commis une erreur de droit dans la mise en balance des intérêts en présence alors que "l'intérêt public à l'accès à l'information l'emporterait sur les intérêts commerciaux des participants à ce projet". D'après lui, il existe un intérêt public supérieur justifiant l'accès aux documents qui concernent "un projet entièrement financé par des fonds publics". La transparence devrait s'imposer car le projet implique "l'utilisation de données biométriques" et peut avoir "des effets discriminants" en particulier à l'égard des personnes en situation de vulnérabilité.
Les juges européens ont rejeté la requête du député. Ils notent ainsi que, contrairement à ce qu'affirme Patrick Breyer, "le tribunal n'a pas constaté que toutes les informations portant sur le projet iBorderCtrl (…) pouvaient être gardées secrètes". De plus, il a eu raison de conclure que les intérêts publics invoqués par le requérant pouvaient être satisfaits par "les obligations de publication des résultats" du projet, ajoutent la Cour.
Le détecteur de mensonges ne repose sur aucune réalité scientifique
Article 19, une association britannique de protection des droits de l'Homme, a réagi à cette décision : "la Cour européenne de justice n’a pas reconnu aujourd’hui l’importance de la transparence et du contrôle démocratique pour les projets financés par les contribuables, en particulier ceux qui menacent la liberté d’expression, la vie privée et l’égalité".
Elle a ajouté que la reconnaissance des émotions ne reposait sur aucune réalité scientifique. En effet, les résultats donnés par des détecteurs de mensonges doivent être relativisés. Cette technologie tente de détecter et de "mesurer" les signes de nervosité engendrés par un propos mensonger. Or, chez certaines personnes, le mensonge ne cause que peu d'anxiété.
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