Publicité : En violant la législation sur les données, Meta serait en situation de concurrence déloyale
83 média espagnols, regroupés au sein de l'Asociación de Medios de Información, réclament 550 millions d'euros de dommages et intérêts à Meta pour des faits de concurrence déloyale. Ils estiment que l'entreprise bénéficie d'un avantage concurrentiel pour vendre des espaces publicitaires grâce à sa collecte de données personnelles prétendument illégale. Pour justifier cette accusation, ils s'appuient sur la décision rendue par l'EDPB ayant enjoint Meta d'arrêter de traiter les données personnelles de ses utilisateurs à des fins publicitaires.
L'Asociación de Medios de Información (AMI), un regroupement de 83 médias espagnols dont El País et El Economista, ont annoncé le 4 décembre avoir intenté une action en justice contre Meta lui réclamant 550 millions d'euros pour concurrence déloyale sur le marché de la publicité en ligne. Présidée par José Joly Martínez de Salazar, le président du groupe Joly, l'AMI estime que l'entreprise américaine génère d'importantes revenus publicitaires grâce à "la vente d'espaces publicitaires" reposant sur une collecte prétendument illégale des données personnelles de ses utilisateurs. Ainsi, "100% des revenus du géant technologique provenant de la vente de publicité segmentée ont été obtenus illégalement", écrit l'association madrilène.
"Un avantage concurrentiel"
L'AMI vise "un avantage concurrentiel obtenu illégalement" qui aurait permis à Meta de construire "sa position dominante sur le marché publicitaire". Ce qui a généré "des dommages évidents aux médias au point de mettre en danger leur pérennité". Pour étayer sa thèse, elle cite des données publiées par le ministère de l'Economie selon lesquelles "les médias sont le deuxième secteur le plus numérisé de l'économie espagnole, dépassé seulement par les entreprises technologiques". Ce sont ces dernières qui empêcheraient justement les médias de bénéficier "d'une monétisation équitable". L'AMI appelle donc "les annonceurs des secteurs public et privé à confier leurs campagnes publicitaires à des médias sûrs, fiables et responsables (...)".
L'association espagnole repose sur son raisonnement sur une décision rendue par le European Data Protection Board (EDPB), une autorité indépendante dont l'objectif est de s'assurer de la bonne application du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Le 27 octobre dernier, elle a demandé à la Data Protection Commission (DPC), l'autorité irlandaise de protection des données, d'ordonner à Meta d'arrêter de collecter les données personnelle de ses utilisateurs à des fins de publicité.
Meta exhorté de changer de base légale
Plus précisément, Meta devait arrêter de justifier cette collecte par deux bases légales, prévues à l'article 6 du RGPD : le contrat et l'intérêt légitime. Ayant plus d'un tour de son sac, l'entreprise est repassée sur la base légale du consentement et à proposer une alternative à la collecte de données à des fins publicitaires avec un abonnement payant à Facebook et Instagram. Ce modèle constitue "une forme valable de consentement pour un service financé par la publicité", expliquait l'entreprise dans un billet de blog. Comme l'a expliqué L'Usine Digitale dans un article, dans le dossier des "cookies wall", la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) semblait avoir ouvert la voie à cette lecture du RGPD. En effet, elle avait estimé que "les contreparties monétaires" pouvaient "constituer une alternative au consentement", à condition qu'elles soient proposées à "un tarif raisonnable".
L'abonnement de Meta est désormais sous le coup de deux plaintes, l'une portée par les membres du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) et l'autre par l'association autrichienne Noyb. Les accusations sont similaires : le choix laissé par Meta aux utilisateurs de ses services est trompeur car l'option gratuite ne l'est pas vraiment puisqu'il collecte des données à des fins publicitaires. Si ces procédures sont importantes, c'est que l'entreprise de Zuckerberg tire la quasi-totalité de des revenus de la publicité en cible. Au deuxième trimestre 2023, ses revenus publicitaires s'élevaient à 32 milliards d'euros, en hausse de 11% par rapport au deuxième trimestre de l'année dernière.
Une illustration de la fragilité du modèle de la presse
Les médias espagnols s'étaient déjà opposés aux grandes entreprises technologiques. En 2014, le Parlement espagnol avait voté une loi, surnommée "Taxe Google", obligeant les agrégateurs d'information à payer les éditeurs de presse pour chaque article reproduit partiellement. Google avait alors décidé de fermer son service d'actualités provoquant une perte de 14% du trafic pour les petits éditeurs de presse. Ce dernier n'a réouvert qu'en juin 2022 à la suite de la transposition de la directive européenne sur le droit d'auteur, qui crée un droit voisin. En France, quelques semaines avant l'entrée en vigueur de la loi de transposition, la firme de Mountain View avait annoncé qu'elle allait modifier l'affichage des actualités sur son moteur de recherche.
Comme pour la plainte contre Meta, ces situations montrent la fragilité du système actuel qui est passé de la vente de display par des régies dédiées aux médias ou des régies externes à l'achat et la vente de publicité en temps réel grâce aux données du public visé. D'où l'omniprésence des grandes entreprises technologiques conjuguée aux difficultés pour les éditeurs de presse à revoir leur modèle économique.
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